Ignacio Sánchez Recarte : le conseil exécutif de l’OMS a adopté le 27 janvier une résolution qui demande à l’assemblée générale de l’OMS d’adopter le plan d’action global 2022-2030. La prochaine assemblée générale de l’OMS aura lieu en mai prochain.
L’impact sur la filière est grand, surtout sur le moyen terme. D’une part, le plan d’action ne retient qu’une partie des solutions possibles pour lutter contre l’abus d’alcool (paquet SAFER) qui est basé sur des politiques visant à limiter la disponibilité des produits alcooliques, la prohibition de la publicité, la promotion et le sponsoring et l’augmentation du prix de ces produits. De l’autre, le plan d’action stigmatise le secteur producteur et demande, pratiquement, qu’il soit exclu de la table des discussions. Est-ce démocratique ? Je ne crois pas.
Est-ce que l’OMS peut adopter des dispositions contraignantes pour ses états membres ?
Le plan d’action n’est pas légalement contraignant mais les États Membres se plierons à ces requêtes et recommandations. Par contre, même si ce n’est pas mentionné directement dans le texte final, l’OMS prépare le terrain pour demander une "Convention-cadre de l’OMS sur les produits alcooliques" comme celui qui s’applique au tabac. On parle ici d’un traité international beaucoup plus contraignant. Une référence y fut faite dans des versions précédentes du plan d’action.
Alors que la réponse des consommateurs aux variations de prix est un principe de base de l'économie, cette relation n'est pas aussi claire pour les boissons alcoolisées que pour d'autres produits qui présentent moins de variations selon le type, le prix et la qualité. Plusieurs études ont rapporté que les consommateurs ont remplacé les boissons moins chères (et souvent de qualité inférieure) après une augmentation de prix, à la fois au sein des catégories et entre les catégories.
Les consommateurs peuvent également réagir à une augmentation des prix en achetant de l'alcool dans des juridictions où les taux de taxation sont moins élevés ou en s’orientant vers des alcools non déclarés. En plus, certaines études semblent montrer que les augmentations de taxes/prix ne sont pas efficaces pour réduire l'usage nocif de l'alcool. En fait, les buveurs excessifs semblent être les moins sensibles au prix. Donc, on tape sur les 80 % de la population qui boit avec modération et on ouvre la porte au développement d’une filière de vente d’alcool illégale.
Il serait aussi question d’un cadre réglementaire réduisant les possibilités de communication, notamment en ligne : est-ce qu’il s’agirait d’une loi Évin internationale ?
En effet, on pourrait dire ça : un cadre plus restrictif que la Loi Évin, et appliqué à l’international.
Il serait aussi question de restrictions horaires et spatiales de la vente des boissons alcooliques : est-ce que l’OMS souhaite aller vers un modèle monopoles ou une forme de prohibition ?
Non, l’OMS n’entre pas dans le détail du modèle de vente (libre commerce ou monopole), il lui suffit qu’il y ait des restrictions sur la disponibilité spatiale et temporelle des boissons alcoolisées
L’objectif de cette politique sanitaire est-il de rendre anormale la consommation d’alcool, voire de l’interdire ? Le vin est-il ciblé comme le tabac par l’OMS ?
S’il n’y pas d’interdiction de la consommation d’alcool, il s’agit de la rendre anormale. Et ceci est cohérent à leurs yeux un fois qu’ils considèrent que toute consommation porte un préjudice pour la personne et la société. On peut ne pas interdire un produit et demander une consommation 0. Regardez le tabac, ce n’est pas un produit illégal, mais….
Du moment où l’OMS a mentionné la possibilité de développer une convention-cadre pour les boissons alcooliques, on peut dire que, même s’ils ne considèrent pas (encore) l’alcool comme le tabac, ils cherchent à appliquer les mêmes recettes politiques. Et le vin, est en première ligne, car tout le monde sait que si la boisson par excellence de la culture gastronomique et la convivialité tombe, les autres suivrons directement.