epuis cet été, et de multiples menaces de rétorsion du président américain, Donald Trump, les expéditions de Cognac vers les Etats-Unis dépassent les besoins de consommation de leur premier marché. « La demande augmente grâce au changement de consommation, passant de l’alcool blanc à brun. Mais les expéditions sont plus fortes en anticipation des risques de taxe, pour sécuriser le marché. Les Etats-Unis américain représentent normalement 45 % de nos expéditions, ils comptent pour 50 % aujourd’hui » rapporte Patrice Pinet, le président du Syndicat des Maisons de Cognac*, ce 4 décembre lors d’une conférence salon VS Pack, à l’espace 3000 de Cognac.
Rappelant les récentes expéditions de précaution vers le Royaume-Uni, en amont du Brexit, ces surexportations seront inévitablement suivies par un rééquilibrage, que ce soit à cause du surstockage ou de droits de douanes supplémentaires. Si en France seules les bouteilles de vin tranquille de moins de 14°.alc sont touchées dans le dossier des subventions Airbus, et que les dernières menaces visent les vins effervescents suite à la taxation des géants du numérique (GAFA), les cognacs sont fatalistes : « nous n’avons aucune garantie d’y échapper ad vitam » soupire Patrice Pinet. Qui « demande au gouvernement [français] de prendre en compte les spécificités des expéditions à valeur ajoutée des vins et spiritueux pour ne pas [laisser] prendre en otage des produits qui n’ont rien à voir avec la dispute commerciale ».


La présidence américaine ayant en la matière un mode d’action particulièrement coup de poing : « Donald Trump a une politique extrêmement dure et vocale » renchérit Catherine Lebougre, la responsable des études économiques du Crédit Agricole. Y voyant « une attitude de cowboy » qui alimente des incertitudes mondiales.
Du Brexit à l’instabilité politique italienne, en passant par le ralentissement de la croissance allemande et le prix du pétrole, « les foyers de risques et les zones de tension sont multiples. Ce climat d’incertitude n’a pas toujours un effet direct sur les chiffres, mais il pèse sur toute la chaîne de décisions » analyse Catherine Lebougre. « Tous ces risques sont identifiés pour préserver notre activité exportatrice » réagit Patrice Pinet, qui évoque les indicateurs suivis comme le lait sur le feu par le SMC.
Si les taux de croissance du Produit Intérieur Brut et de la consommation constituent le premier indicateur, les négociants charentais s’intéressent aussi à l’évolution de la démographie chinoise (« la population a diminué l’an passé, c’est à suivre »), le prix du baril de pétrole pour le marché russe (« très corrélé à la consommation »), les taux de change de la livre sterling (« l’élasticité des prix devient difficile à gérer pour nos amis britanniques »)…
* : Le SMC réunit 39 négoces pour « 99,9 % des volumes commercialisés » précise Patrice Pinet.