op départ. Passant de l’été solaire à l’automne pluvieux, le vignoble bordelais vendange le gros de ses merlots cette semaine. « C’est la première fois que je suis content de voir la pluie tomber à ce moment. Les raisins sont mûrs et riches, les averses arrivent suffisamment tard pour ne pas gâcher la cinétique de ce millésime. Ce scénario est très confortable » se réjouit David Pernet, le co-fondateur du laboratoire Sovivins. Suivant depuis vingt ans le vignoble girondin, le consultant note « une seule ombre au tableau : des degrés alcooliques parfois trop élevés* ».
Avec des maturités dépassant les 15 degrés d’alcool potentiels dans de plus en plus de parcelles de merlot, les pluies arrivent comme un soulagement. Les précipitations enraient le cycle de flétrissement et de concentrations des dernières semaines. Ces parcelles sont désormais à ramasser, ayant atteint d’intéressants équilibres en bouche, grâce à une charge phénolique arrivée à maturité (suite à un déficit hydrique « modéré mais prolongé »), à des arômes qualitatifs (fortes températures dégradant précocement les caractères végétaux et amplitudes jour/nuit propice au profil aromatique) et à une acidité préservée (acides dégradés mais pH maintenus « faute de pluie et d’absorption potassique tardive »).
« Ce millésime a optimisé la machine à produire et fait mûrir des composés secondaires que sont les raisins » résume David Pernet, pour qui « au niveau des vinifications, le principal enjeu est plus d’avoir une fermentation alcoolique qui se finit bien que de se préoccuper de l’extraction ». Si les petites baies de merlot marquent les esprits suite à une contrainte hydrique précoce, le consultant note surtout le faible nombre de pépins dans les raisins. « La charge phénolique est dans les pellicules ce millésime, donnant des tanins fins et plus aimables que ceux des pépins » souligne David Pernet, qui vient de publier sa synthèse du millésime 2019 à Bordeaux, un travail de référence témoignant de l’impact croissant du changement climatique.


« Le réchauffement laisse augurer des maturités plus faciles sur cabernet, mais va poser la question des degrés avec le merlot. Ce qui est plus une problématique de nouveau monde » souligne David Pernet. L’adaptation de l’encépagement à la nouvelle donne climatique se pose dès cette année. « Si le vigneron a suffisamment de cabernet pour ses assemblages, ce ne sera pas problématique pour redescendre ses vins en dessous de 15 degrés d’alcool » note David Pernet, ajoutant que « la pluie est le moyen de ramasser des raisins mouillés ou ayant grossi, mais ça ne suffira pas toujours ».
Le technicien prévoit des vendanges resserrées, avec la récolte des cabernet sauvignon dès la fin de la semaine pour les jeunes vignes, et dès la semaine suivante pour les terroirs précoces graveleux. Il estime que le risque de pourriture par Botrytis est faible, entre la richesse phénolique des raisins et la sécheresse des sols
* : Pour certains vignerons, ce seront plutôt les rendements affaiblis par la coulure et le millerandage qui présentent la face négative de ce millésime 2019. « Les températures printanières fraiches limitent la virulence du mildiou mais défavorisent le métabolisme de la vigne causant une coulure régulière particulièrement sur les merlots mais également sur les cabernets sauvignons » rapporte David Pernet, qui note que les secteurs précoces sont plus favorisés que ceux froids et tardifs (les premiers ayant bénéficié d’un temps sec et doux, les seconds de fortes précipitations pendant la floraison).