Comme beaucoup de visiteurs de Wine Paris, il a enchaîné les rendez-vous. Tim Moy, acheteur pour le Danemark chez Anora, géant scandinave des vins et spiritueux, acquiert des vins en cuves de 240 hl qui sont convoyés par bateau au Danemark. Ils y sont ensuite conditionnés en bouteilles ou bib avant de partir majoritairement en supermarché. Son premier critère de sélection ? Le prix. « Je choisis les vins les moins chers possibles », indique-t-il. S’agissant de leur profil, il précise : « Cette année je cherche plus particulièrement des vins blancs, des vins aromatiques, comme le sauvignon blanc. C’est la tendance car ils sont plus faciles à boire que les rouges. » Pour la France, il a posé les jalons pour acheter des vins du Languedoc dans les trois couleurs et un peu de bordeaux rouge. « Cette année, on devrait vendre 4 000 hl de vins français sur 200 000 hl », évalue-t-il.
Samirah Heinimann, dégustatrice chez Metro France, a enchaîné les visites de ses fournisseurs dans le but de recueillir un maximum d’informations pour avoir de quoi promouvoir leurs vins. « On fait beaucoup de “storytellings” car le vin, ça ne se vend pas seul, explique-t-elle. On fait des dossiers thématiques argumentés “vins et marée”, “vins et viande”, etc., pour donner à nos clients restaurateurs des arguments pour qu’ils vendent à leurs propres clients. » Si Samirah ne parle jamais affaire lors de ses rendez-vous, ce n’est pas le cas de Jean-Luc Charroud, un de ses collègues acheteurs. Ce dernier est venu goûter le nouveau millésime de ses fournisseurs avant de passer commande. Ensuite, il a préparé la saison 2025 de vente de rosés pour éviter de reproduire les méventes des printemps pluvieux de ces deux dernières années. Avec les producteurs de Provence et du sud de la France, il a négocié des promos, de la PLV (publicité sur les lieux de vente) ou la fourniture d’objets, telles les grandes vasques, pour mettre les vins en scène. De plus, il les a incités à visiter les restaurateurs pour organiser des dégustations. Il a aussi visité des stands de mixologie pour trouver des idées de cocktail à base de vin. Enfin, il a assuré « une veille » sur les vins « no/low », ces vins sans alcool ou très faiblement alcoolisés, en dégustant l’offre de ses fournisseurs. L’idée est d’être prêt « si jamais le consommateur y prend goût ». « On se bat tous les jours pour mieux vendre nos vins », assure Samirah Heinimann.
Marko Banicevic, lui, est directeur de la société Lu-ma Ekskluziv doo, à Zagreben Croatie, une vinothèque qui vend aussi par Internet. Il propose une large gamme de vins croates mais importe aussi 200 000 cols par an de France, d’Italie, d’Argentine, d’Espagne… Il cherche des vins très différents : des vins avec un style frais et une belle sensation de fruits, faciles à boire ; des vins blancs élevés en fût ou des vins rouges « assez forts » ; des Champagne ; des vieux millésimes de vins de niche, tels l’Ermitage Le Meal 2009 de Chapoutier ou Lanson Le Clos 2007 qu’il vend actuellement.
Gontran Giguère a eu un coup de coeur pour « les vins très qualitatifs » du Château La Verrerie, un domaine en bio dans l’appellation Luberon. Ce sommelier et directeur des opérations de l’hôtel-restaurant 5 étoiles Le Bonne Entente, à Québec City, propose 400 références de vins à ses clients dont les deux tiers sont Français. « La Verrerie, c’est un château de 55 ha au milieu de la nature qui n’entend pas grossir. C’est noble. Ils produisent peu, mais c’est très qualitatif, note-t-il. Toutefois, ses prix sont assez élevés alors qu’il est dans une AOC très peu connue. Il va falloir mettre beaucoup d’énergie pour le vendre. Il faut savoir qu’un vin vendu 8-10 € ici, en France, va être vendu dans les 40 $ dans les succursales de la SAQ au Québec, et comme j’applique un coefficient de 2 ou 2,5, on est presque à 80-100 $ sur la table. » Invité par une agence d’importations privée dont il est un très bon client, il ne manquera pas de lui dire « si elle référence ce vin, je l’achèterai ».
Xiaoyan Liao, présidente de Clovitis, à Pékin en Chine, achète des grands crus de bordeaux et de bourgogne qu’elle revend à « des caves privées ». Mais son activité d’importation est en chute libre. « Avant le Covid, je réalisais un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros par an. Aujourd’hui, il a dégringolé à 300 000 €. Les Chinois achètent beaucoup moins. Le marché du vin n’est pas bon », note-t-elle. Tout sourire, malgré ce revers de fortune, elle explique qu’elle a « d’autres activités, de formations techniques viti-vinicoles, de découvertes de la dégustation ».
José Luis Garcia Luna de la Rocha, de Vernazza Wine, Spirits, Food & More, à Mexico, n’est pas venu que pour les vins français. Tant s’en faut. Cette entreprise mexicaine distribue 180 vins auprès de cavistes et en restauration. Elle importe 50 000 cols dont la moitié de France. Sur un marché en pleine expansion, « les vins espagnols sont n°1 des ventes du fait de l’histoire, dit-il. Je cherche des vins de Ribera del Duero et quelques vins portugais, autrichiens, allemands et grecs pour étoffer ma gamme ». Pour la France, il est venu rencontrer ses fournisseurs. Depuis quatre ans, il travaille avec Gérard Bertrand au sujet duquel il ne tarit pas d’éloges : « Le meilleur vigneron du monde, avec des vins parfaits, bien faits, bio, végans, biodynamiques, naturels et aussi d’un excellent rapport qualité-prix. » L’an dernier, il a élargi son offre en nouant un partenariat avec « une autre légende du vin français, Michel Chapoutier pour ses vins de la vallée du Rhône et de Bourgogne ». Même profil de vins. Naturellement, il référence aussi des champagnes.
À la tête de Premium Wine Selection, à Vérone, Luigi Piacentini est venu parler affaire avec ses fournisseurs français sans en chercher de nouveaux. Il importe 200 000 bouteilles par an dont la moitié de Champagne. Il travaille avec des grandes maisons qui offrent « des identités de terroir » : la famille Rapeneau en Champagne, Boisset en Bourgogne et dans la vallée du Rhône et Barton Guestier à Bordeaux. Sur les tendances du marché, il relève que « les bourgognes se commercialisent très bien alors que les bordeaux deviennent très difficiles à vendre ». Il cherche « davantage de bourgognes, davantage de vins blancs, et surtout des vins légers, faciles à boire, pas compliqués du tout pour attirer les jeunes ». Un impératif à ses yeux.