abitué à sortir le vin de sa zone de confort (notamment avec les cépages anciens et le collectif Bordeaux Pirate), le vigneron Jean-Baptiste Duquesne (château Cazebonne, 40 hectares en biodynamie dans les Graves) teste dans des dames-jeannes de sauvignon blanc l’infusion de préparations solides pour sodas faits maison créées par son frère, le chef Damien Duquesne (sous la marque Necense). Voulant proposer un vin aromatisé plus identitaire qu’un rosé pamplemousse industriel, Jean-Baptiste Duquesne veut « vraiment faire un vin augmenté. L’idée est venue des retours de clients sur des vins blancs me disant qu’ils adorent la finale amère comme un pomelo. »
« Il faut oser et essayer » ajoute Florian de Perre, le responsable technique du château Cazebonne. Deux essais sont menés ce millésime 2024 : l’infusion des herbes et plantes aromatiques dans des bonbonnes pendant que le vin fermente et des infusions sur vins finis. Les quatre recettes de Necense testées sont le pomelo, la ginger beer (gingembre), le spritz (écorce d’oranges amères, racines de gentiane, fleurs d’hibiscus, verveine, clou de girofle, poivre du Sichuan…) et le "sauvage" (reine des prés, fleurs de sureau et de bruyère…). Dans le verre, les arômes sont clairement marqués, le toucher en bouche restant celui du vin, avec des amertumes parfois marquées selon les recettes. Les premiers résultats montrent que l’infusion pendant la fermentation alcoolique permet de plus extraire les arômes (quitte à devoir rallonger certains essais de vins pour les diluer).


« L’essai est assez concluant. Maintenant, est-ce qu’il y a un marché ? » pose Jean-Baptiste Duquesne, qui compte le voir rapidement : « je vais passer l’année à aller voir les cavistes et clients pour savoir s’il y a un intérêt ou si l’image traditionnelle est trop forte pour briser le tabou » du vin issu à 100 % de raisin. Produisant 30 à 40 échantillons par recette ce millésime 2024, le vigneron compte en proposer aux cavistes, importateurs et visiteurs de salon sur la base d’un prix entre allant entre 12 et 15 € pour ouvrir des réservations sur le prochain millésime. « Je ne sais pas si je sais vendre 100 ou 1 000 bouteilles de ce produit » reconnaît Jean-Baptiste Duquesne, qui compte essayer pour l’avenir des versions en pet’nat’.
« La question est de savoir jusqu’où doit aller la remise en cause du vin pour regagner l’affection du consommateur » poursuit le vigneron, qui veut « faire vin net, moderne, sans défaut avec de la complexité aromatique » et ne voit « pas pourquoi, si j’utilise un grand vin à maturité et une palette aromatique d’herbes, je ne peux faire un plus grand vin. J’ai plus d’outils pour bâtir un meilleur vin. Pourquoi s’interdit-on de travailler cette complexité ? Pourquoi l’univers du vin s’enferme-t-il dans les seuls produits à base de raisin ? Quand on a un jus à 15°.alc pourquoi s’interdire d’ajouter de l’eau ? » Une proposition iconoclaste que l'on ne retrouve guère que chez Michel Chapoutier.