eek-end de la Toussaint tout flamme pour l’Union Générale des Viticulteurs de l’AOC Cognac (UGVC). Pour « manifester son opposition aux taxes pour la Chine » dans les villes de Charente et Charente-Maritime, des vignerons ont étendu des bâches "l’Europe enterre Cognac" et planté des croix symbolisant le sacrifice de la filière après l’entrée en vigueur définitive ce 31 octobre des droits européens compensateurs sur les importations des voitures électriques chinoises. Une annonce autant attendue que crainte, car laissant présager une nouvelle escalade dans le conflit opposant Bruxelles à Pékin après la mise en place, le vendredi 11 octobre sans transition, d’une obligation de dépôt de garantie de 34,8 % en moyenne sur les eaux-de-vie européennes pour les importateurs chinois qui pourrait rapidement se transformer en simples droits de douanes.
Ce conflit commercial est tout sauf une tempête dans un verre d’eau-de-vie en cette période d’expédition pour le prochain nouvel an chinois (29 janvier 2025), cet avant-goût de taxation antidumping causant déjà une forte baisse de l’activité des maisons charentaise (la Chine représentant étant la deuxième destination export des cognacs, avec 23 % des volumes et 38 % de la valeur). Pouvant déstabiliser tout le vignoble charentais, ces taxes chinoises pourraient aboutir à un déséquilibre de tous les vins blancs français*, alors que la crise viticole frappe déjà les vignes rouges. De quoi mettre la pression sur la ministre déléguée chargée du Commerce Extérieur, Sophie Primas, qui se rend en Chine ces lundi 4 et mardi 5 novembre lors de la foire China International Import Expo (à Shanghai). Ce déplacement « doit contribuer à lever les mesures sur nos eaux-de-vie » plaident dans un communiqué collectif les Bureaux Nationaux Interprofessionnels d’Armagnac et de Cognac (BNIA et BNIC) avec la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS), soulignant que « les échanges des prochains jours seront cruciaux » après une rencontre avec la ministre le jeudi 31 octobre.


Reçus par la commission économique du Sénat le mercredi 30 octobre, les représentants de la filière ont pu mettre publiquement les points sur les i de ce conflit commercial. Et de l’impasse qu’il représente. « Il n'y a pas d'alternative à la Chine. Comme les États-Unis, c'est un pays continent qui ne peut être suppléé par d'autres marchés » déclare Nicolas Ozanam, le délégué général de la FEVS, pointant qu’« il est absolument essentiel de rester sur ces marchés et de pouvoir construire dans la durée des partenariats commerciaux et des relations avec les consommateurs ». Pour Florent Morillon, le président du BNIC, « la priorité, c'est de trouver un accord avec la Chine, et nous attendons du concret » car « la seule solution, que nous portons auprès du Gouvernement et pour laquelle nous espérons avoir votre soutien, consiste à engager une discussion directe bilatérale entre la France et la Chine. Via l'Europe, ce n'est plus possible, même si une action a été intentée devant l'OMC » (Organisation Mondiale du Commerce).
« Aujourd'hui, nous n'avons qu'une seule stratégie : ne rien lâcher sur ce dossier. Nous ne réfléchissons pas à un plan B, sinon cela voudrait dire qu'on a perdu » martèle Florent Morillon, notant que « certes, on pourrait nous accorder quelques subventions, mais la Chine représente pour nous 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel. Je ne pense pas que l'État, vu la situation actuelle des finances publiques, puisse nous donner une telle somme ! Personne n'y croit. Nous donner quelques centaines de millions d'euros, ce serait mettre un pansement sur une jambe de bois. »


« Il est impossible pour nous de trouver de nouveaux marchés, mais également de faire autre chose. Nous ne demandons pas d'argent, nous demandons juste que l'on nous laisse travailler » abonde Jérôme Delord, le président du BNIA. La Chine représentant plus du dixième des exportations des eaux-de-vie de Gascogne, le négociant pointe que « toutes les préoccupations de nos amis charentais sont les nôtres. Nous sommes sur les mêmes marchés et, donc, dans la même galère. » Notant avec amertume que « le calendrier de cette enquête est calqué sur la procédure visant les véhicules électriques », Florent Morillon précise que s’il n’y a « aucun jugement sur le dossier des véhicules électriques. En revanche, on ne peut pas être sacrifiés pour cette filière. Quand certains pays de l'Union européenne vont assembler sur leur territoire, permettant à la Chine d'éviter les taxations, je ne vous cache pas que le ton monte dans la région. […] Je vous pose la question : sacrifie-t-on aujourd'hui un spiritueux pour des produits industriels qui ne seront plus là demain. J'espère bien que le cognac et l'armagnac perdureront ! »
« La filière des spiritueux français est prise en otage et victime collatérale d'un conflit qui ne la concerne pas » confirme la sénatrice Dominique Estrosi Sassone (Alpes-Maritimes, les Républicains). La présidente de la commission économique pointant que « le danger est de taille », d’autant plus que « l'élection de Donald Trump, si elle devait advenir, pourrait rouvrir le chapitre des sanctions américaines, ce qui priverait alors les spiritueux français de leurs deux premiers marchés. »
Après la manifestation du 17 septembre, l'UGVC signifie sa volonté de poursuivre ses actions localement.
* : En audition parlementaire, Florent Morillon pointe clairement que « si nous vendons demain moins de cognac à cause des taxes chinoises, nous devrons arracher nos cépages et planter des cépages dits de consommation. Nous entrerons alors en concurrence avec nos collègues situés à 100 kilomètres. Ce serait déplacer le problème, sachant qu'il faut arracher 100 000 hectares de cépages sur les 800 000 que compte notre pays. »