e 21 octobre vous avez un nouveau point avec les administrations pour travailler sur la simplification administrative : alors que l’impatience reste vive dans le vignoble, le flottement gouvernemental n’a donc pas empêché d’avancer depuis février ?
Raphaël Fattier : Non, au contraire, la continuité du service publique a bien fonctionné ! Une fois la partie "politique" évacuée, [ce 26 février au Salon International de l’Agriculture lors de la signature de la lettre d’engagement avec le ministre délégué Thomas Cazenave], les services de l’État ont pris la main pour travailler sur le fond.
En termes de collaboration avec l’administration, il faut dire que le dossier agroforesterie avait déjà marqué un tournant méthodologique dans le travail réalisé avec l’administration. La collaboration est facile, notre travail national et en réseau prend tout son sens lorsque nous faisons remonter des problématiques très concrètes et que nous trouvons en face une écoute et surtout des réponses ! En somme, même si on ne va pas s’avancer sur les conclusions, on se félicite déjà du travail réalisé en commun avec l’administration, avec une philosophie payante : faire ensemble.
Après l’évolution cet été sur le calcul des surfaces viticoles en fonction de l’agroforesterie que vous évoquez, quelles sont les avancées concrètes attendues par la CNAOC dès ces nouveaux échanges ? Peut-on espérer rapidement une surface harmonisée pour le Casier Viticole Informatisé (CVI), la déclaration unique "dîtes-le nous une fois" ou un guichet unique des droits d’accises ?
On va attendre le point d’étape du 21 octobre mais on devrait évidemment avancer sur l’ensemble des chantiers comme le "dîtes-le nous une fois" ou le guichet unique des droits d’accises, qui sont des demandes portées par l’ensemble de la filière. Nous avons néanmoins de bonnes raisons de voir rapidement aboutir le dossier du mesurage des surfaces, qui a été travaillé en étroite collaboration CNAOC/DGDDI (Direction Générale des Douanes et Droits indirects). L’objectif est de définir une doctrine stable et harmonisée afin de déterminer les éléments qui doivent être inclus dans la surface du CVI en rappelant leur rôle dans la bonne exploitation du parcellaire comme les tournières (mono ou multi-propriétaires), les fossés, les talus, les bosquets ou encore les taillis.
Sur ce dossier par exemple, nous avons compilé les points de blocages sur le terrain en rappelant l’objectif initial et l’esprit des textes mais aussi les points à clarifier. Nous avons travaillé dans le but d’avoir une interprétation claire à destination des services locaux des douanes, de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) et bien sûr du vigneron afin que les contrôles se passent au mieux, sans zèle et en toute sécurité juridique.
Quels sont les autres chantiers en cours et pouvant changer la vie quotidienne des domaines ?
Six autres points de clarification du droit sont aussi à l’étude - avec la même méthodologie employée par les organisations nationales avec la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), la DGDDI et l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité). L’idée est toujours la même : avoir une interprétation claire et harmonisée au niveau national. Et la plupart du temps, tout est écrit dans le Code Rural. Par exemple, la renonciation à produire n’est pas une obligation à produire du VSIG sur une superficie apte à faire de l’AOC. Elle est un outil permettant à l’opérateur de ne pas être contrôlé suivant les conditions d’une AOP à laquelle il pourrait prétendre et ainsi échapper aux coûts de contrôle. Idem concernant l’affectation parcellaire, qui est une sorte de "maximum revendicable" en AOC, mais qui n’implique pas forcément de revendiquer toutes les parcelles affectées. Enfin, nous avons insisté sur le fait que le contrôle du rendement se fait à partir des surfaces et volumes de la déclaration de récolte ; en conséquence aucune remontée parcellaire ou globalisation par couleur tous segments confondus ne doit être pratiquée dans les contrôles.
De manière générale, nous avons demandé la mise en place d’un "droit à l’erreur" valable aussi en viticulture. Il n’est pas normal que des contrôles se passent mal sur le terrain avec un vigneron poussé dans ses retranchements car présumé coupable. Bien heureusement, et nous partageons cette analyse avec l’administration, ces cas sont très marginaux et il faut rappeler que la grande majorité des contrôles se passent très bien, en bonne intelligence.
Pour aboutir sur ces sujets, nous avons des calendriers qui concordent presque avec la DGDDI et la DGCCRF. Nous n’en dirons pas plus mais nous espérons aboutir très rapidement.
La simplification administrative pourrait-elle également passer par les cahiers des charges AOC, dont la complexité et l’enchevêtrement est aussi critiqué par les vignerons ?
Il faut parfois savoir balayer devant notre porte. La complexité administrative, c’est parfois nous-même qui nous la sommes infligée ! La filière viticole est une filière d’AOP et d’IGP dont la base commune est le cahier des charges et le plan de contrôle. Un important chantier est en cours au niveau de la CNAOC ; nous avons une commission qui traite exclusivement de simplification des cahiers des charges et des contrôles, de transparence et de communication sur les procédures avec l’INAO, de simplification des Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA) et Dispositifs d'Évaluation des Innovations (DEI) et de manière plus globale, d’optimisation des relations avec l’institut. L’objectif est de se concentrer sur l’essentiel : nos AOC sont des garanties de l’origine et de la qualité et non des contraintes administratives anxiogènes pour nos vignerons.
On entend des regrets sur le poids du suivi des VIFA, poussant des vignerons à passer par l’IGP ou le vin de France pour tester ces cépages sans contraintes.
Le dispositif VIFA est très intéressant, je tiens à la souligner. Il est le pont parfait entre la tradition de nos AOC et la modernité qu’implique les attentes sociétales et le dérèglement climatique. C’est pour cette raison qu’il y a de nombreuses expérimentations en cours, que nous suivons avec attention. C’est vrai, par contre, qu’il y a une marge de simplification importante pour rendre le dispositif plus facile à mettre en œuvre. La taille des exploitations peut être un frein dans certaines régions, de même que la taille des ODG, qui ne peuvent répondre à la lourdeur administrative du dispositif. Il faut aussi mettre les pépiniéristes dans la boucle, pour qu’il y ait suffisamment de matériel végétal derrière. Sur ce dossier, je suis plutôt confiant car nous travaillons en ce moment-même avec l’INAO avec un maître-mot : simplifier pour en encourager le développement