es cépages emblématiques, ce n’est pas hermétique. Réuni ce 25 juin, le Comité national des Appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses (CNAOV) a validé l’intégration de 10 cépages dans les cahiers des charges des vins AOC Alsace et Crémant d’Alsace au titre des Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA). Dont quatre cépages adaptés au changement climatique qui sont emblématiques d’Italie (nebbiolo, signature du Piémont), du val de Loire (chenin), de Provence (rolle, que l’on peut qualifier de vermentino à l’oral, mais pas sur une étiquette) et de la vallée du Rhône (syrah). Par rapport aux demandes alsaciennes initiales de l'Organisme de Défense et de Gestion (ODG), les cépages petit manseng et petit courbu ont été retoqués, selon des critères techniques entend-on, ce qui avait été déjà le cas pour l’AOC Bordeaux, qui s’était précédemment brisée les dents sur le petit manseng cher au piémont du Sud-Ouest (pour des raisons opportunément techniques).
Mais dans l'ensemble, plus de débat ou de blocage de l’INAO sur la question d’utiliser à titre expérimental des cépages emblématiques d’un vignoble AOC dans un autre bassin viticole. « Le comité a tranché. Les cépages emblématiques peuvent être utilisés comme VIFA dans d’autres régions » explique Christian Paly, le président du CNAOV, précisant que cette approche est « logique : le rôle du VIFA c’est de regarder le caractère adaptable d’un cépage face au changement climatique. Il est difficilement envisageable de ne pas pouvoir tester les cépages d’une région dans une autre, alors qu’il y a déjà des autorisations de VIFA étrangers (espagnols, portugais…). Cela paraissait difficilement concevable de ne pas pouvoir faire migrer des cépages entre régions quand ils migrent entre pays. »
Appliquant la décision du précèdent CNAOV, l’INAO valide qu’« il n’y a pas de cépages emblématiques, tout peut être autorisé en expérimentation » résume Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC). Le vigneron de Herrlisheim-près-Colmar (Haut-Rhin) pointe qu’il n’y avait pas l’Alsace qui était demandeuse de telles avancées, qui représentent « une avancée majeure pour les prochains cahier charges » faisant de telles demandes.


« Nos VIFA sont des cépages reconnus qui ont fait leurs preuves. Ils n’ont pas pour but de remplacer les cépages alsaciens, mais de voir s’ils peuvent apporter d’autres choses » indique Gilles Ehrhart, le président de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA). Reposant sur une convention, le dispositif VIFA peut être expérimenté 10 ans (reconductible une fois) sur 5 % maximum des surfaces (de chaque exploitation conventionnée) et pour 10 % maximum de l’assemblage (d’une cuvée). Alors que les vins d’Alsace défendent historiquement leurs cépages (du sylvaner au riesling, en passant par le gewurztraminer), certains vignobles critiquent cette volonté d’aller piocher des variétés chères à d’autres terroirs. « Je ne suis pas libéraliste, nous sommes alsaciens et nous avons toujours défendu nos cépages » pose Gilles Ehrhart, qui souligne que « les IGP ont diffusé partout tous les cépages, mais en Alsace nous n’avons pas d’IGP. Nous ne sommes pas là pour prendre à d’autres, nous restons dans le cadre VIFA avec une expérimentation pour l’acquisition d’éléments factuels. »
Les six autres VIFA alsaciens sont des cépages résistants au mildiou et à l’oïdium pour réduire les phytos, avec 5 blancs (opalor, selenor, voltis, johanniter et souvignier gris) et un rouge (coliris). « On va essayer des cépages plus ou moins résistants (il faut traiter une ou deux fois pour préserver la résistance) » explique Gilles Ehrhart, qui relève que « même sur une année à forte pression mildiou c’est compliqué. » Entamé depuis trois ans, le travail sur l’encépagement de l’Alsace va se poursuivre en espérant se concrétiser rapidement.