’Alsace enclenchera dès cet automne auprès de l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (Inao) la procédure VIFA (variétés d’intérêt à fin d’adaptation). L’Association des viticulteurs d’Alsace (Ava) a créé sa commission VIFA fin 2022. Celle-ci a retenu dix cépages blancs (chenin, floréal, johanniter, petit manseng, opalor, petit courbu, selenor, souvignier gris, vermentino et voltis) et six rouges (calabrese/nero d’avola, colliris, malbec/côt, nebbiolo, sirano et syrah) en les sélectionnant sur leur résistance aux maladies, leur époque de maturité, leur facilité de conduite, la structure acide des vins (mais pas selon l'aspect emblématique de certaines variétés dans des bassins viticoles, ce qui pourrait avoir des conséquences : voir encadré).
Pour les cépages résistants au mildiou et à l'oïdium, « beaucoup de viticulteurs sont en délicatesse pour gérer des rangs de vignes proches des habitations. Il leur faut rapidement dans ces situations la solution d’expérimentation de cépages résistants qui leur permettra de respecter les Zones de Non-Traitement (ZNT) et de produire sans perdre l’appellation » justifie Christian Kohser, en charge du dossier VIFA à l’Ava. « Cette réponse vient en appui du programme Alsavine qui vise à sélectionner de nouvelles variétés dotées de résistances polygéniques à typicité riesling et gewurztraminer. Nous pouvons aussi réétudier le comportement de clones jugés trop acides et/ou trop tardifs par le passé » complète Yvan Engel, président de la commission technique de l’Ava. L’acquisition de références dans les différents types de sol est prévue sur une durée de dix ans. Dans la salle, Pierre Gassmann, vigneron indépendant à Rorschwihr, a regretté que les anciens cépages alsaciens à l’instar du knipperlé n’aient pas été jugés dignes de faire partie des variétés retenues. « Il fallait faire vite » a expliqué Christian Kohser…
L’assemblée a également approuvé le dépôt d’un dossier visant un dispositif d’évaluation innovation (DEI) concernant la gestion des adventices sur le cavaillon par un paillage perméable biodégradable. Un suivi de dix ans est programmé. La profession travaille enfin à la constitution, sans doute en 2024, d’un réseau de parcelles dont le profil hydrique va être suivi sur dix ans afin de préciser les modalités d’irrigation (éventuelle) des vignes.
L’eau justement, reste un élément crucial pour concrétiser le joli potentiel du millésime 2023 sur les 15 529 hectares du vignoble alsacien. La prévision porte sur 991 00 hl contre 849 00 hl effectivement produits en 2022. Mais pour atteindre ce niveau, il faudrait encore une bonne trentaine de millimètres en août, selon plusieurs viticulteurs présents à Colmar. Du côté des rendements autorisés en appellation Alsace, le vignoble reste globalement sur des valeurs entre 55 (gewurztraminer), 65, 70 et 75 hl/ha selon le cépage. Les raisins à crémant passent à 80 hl/ha. Ces différents niveaux sont assortis d’un VCI de 10 hl/ha. La réunion du CRINAO du 22 août décidera des dates d’ouverture des vendanges.
Lors de la création des VIFA, les bassins viticoles se sont entendus à l'INAO pour que les cépages dits emblématiques de certaines AOC ne puissent pas être intégrés dans les cahiers des charges d'autres régions. Par exemple pour que le riesling ne se retrouve pas en AOC Provence ou le gewurztraminer en AOC Monbazillac. Dans la sélection de 16 cépages de l'AVA, on retrouve pourtant des cépages emblématiques du Sud-Ouest (malbec et petit manseng), de la vallée de la Loire (chenin blanc), de la vallée du Rhône (syrah)... Ce qui n'est pas sans risque de refus. En 2020, l'INAO avait refusé à l'AOC Bordeaux l'usage à titre expérimental du petit manseng (pour des raisons techniques, mais avec une forte demande politique derrière).
Pour en finir sur la complexité de la réglementation concernant les cépages, on notera que l'INAO déconseille également l'étiquetage du vermentino, pour respecter la réglementation européenne et l'existence d'une appellation italienne.