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La France Insoumise "ne veut pas la disparition de la viticulture, bien au contraire"
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Parole de candidat
La France Insoumise "ne veut pas la disparition de la viticulture, bien au contraire"

Dans cette campagne éclair pour les élections législatives, le Nouveau Front Populaire clarifie ses positions sur le vin via le député sortant Sylvain Carrière, candidat pour La France insoumise sur la huitième circonscription de l'Hérault.
Par Alexandre Abellan Le 21 juin 2024
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La France Insoumise
Sylvain Carrière dans les ceps de muscat lors des vendanges de la cave de Mireval. - crédit photo : DR
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usqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale ce 9 juin, vous coprésidiez la mission d’information sur les stratégies de marché vitivinicole : quels en étaient les premiers enseignements pour vous ?

Sylvain Carrière : Il en ressortait que tout le monde, au niveau des producteurs, négociants et institutionnels, était d’accord sur la situation d’urgence qu’il y a à traiter. Et qu’il manquait de lien entre les différents acteurs, avec un écart ressortant souvent entre les producteurs et les négociants. Il y a un malaise, des producteurs disant souvent que le négoce leur demande une année beaucoup de vins blancs, mais que l’année suivante il faut du rouge. Il y a un manque de vision dans le Midi ou à Bordeaux, alors que les attentes des consommateurs évoluent.

Cette mission a été décalée plusieurs fois (elle devait débuter fin 2023), son rapport devait être fini avant la pause estivale pour être publié aux vendanges afin de proposer des amendements dans la loi d’orientation agricole, le budget… Et potentiellement aboutir à une proposition de loi spécifique à la viticulture. Malheureusement, tout cela s’est arrêté. Après une quarantaine d’auditions, nous avons une matière qui pourra servir à la prochaine législature pour travailler en ce sens. Il y a urgence à régler la crise structurelle, ce que les aides annoncées ne permettront faute de changements et de structuration [de la filière].

 

Le coprésident de cette mission d’information était le député Éric Girardin (Marne, Renaissance), qui a signé un rapport préconisant un allégement de la fiscalité sur le foncier viticole (notamment avec l’application du pacte Dutreil). Partagez-vous la nécessité de réviser la transmission du vignoble ?

Une loi devait arriver sur le sujet cet automne. Le foncier était en dehors du cadre de notre mission, même si le sujet revenait assez fréquemment. Le problème de ces aides est qu’elles auraient profité à certains et n’auraient pas réglé les problèmes de fond sur la transmission et l’accès au foncier. Tant que l’on gardera un modèle économique phasé sur le rendement, on se retrouvera avec des exploitations de plus en plus grandes, qui asphyxient les vignerons se retrouvant face à un foncier inaccessible.

La mission parlementaire était vraiment centrée sur la commercialisation et le marché viticole : sur les attentes des consommateurs, la chute de la consommation de vin rouge, la demande de vins plus frais, la concurrence italienne avec le prosecco… Il faut adapter le vignoble pour répondre aux attentes des consommateurs et au changement climatique.

 

Dans le vignoble, d'autres candidats aux législatives 2024 attaquent votre groupe politique sur ses projets de taxation comportementale du vin et son approche restrictive de la protection phyto...

C’est sûr, on a un modèle agricole différent du leur. Dans ma circonscription, j’ai un viticulteur en agroécologie qui m’avait invité à visiter ses parcelles où il laisse pousser l’herbe : par rapport à celles de son voisin en labour, il y avait 10°C de différence ! Il faut repenser tout le modèle agricole. On ne peut pas continuer à faire de même au niveau des pesticides. Il y a une bifurcation à entreprendre pour adapter le vignoble, sans que l’on dise qu’il faille arrêter les pesticides. Bien sûr que l’on est pour la viticulture. Avec le tourisme, c’est un pilier de l’Hérault. Et les deux fonctionnent ensemble. Si l’on abandonne la viticulture, que deviendront ces terres : des projets immobiliers ou des friches ? C’est une inquiétude forte avec les annonces sur l’arrachage…

Pour nous, il faut produire le vin autrement. Ça s’impose à nous avec le changement climatique et les aléas. La ressource en eau manque cruellement dans les Pyrénées-Orientales et de plus en plus fortement dans l’Aude et l’Hérault. Il faut adapter le vignoble avec des cépages moins demandeurs eau. Dans les mondes agricoles et viticoles, la question qui revient toujours c’est : avec quels moyens ? Il faut revoir les aides à l’accompagnement.

 

Face au changement climatique vous avez évoqué l’évolution de l’encépagement, mais que pensez-vous des leviers d’adaptations que sont l’irrigation et l’agrivoltaïsme ?

Dans ma circonscription, on produit du muscat de Frontignan et de Mireval. Il y a quelques années, des vignerons voulaient modifier le cahier des charges pour pouvoir irriguer. Maintenant, je les entends dire que ça ne servirait à rien, comme cela coûte 5 000 €/ha et qu’ils n'ont pas la garantie de pouvoir arroser avec les restrictions estivales. Sans aller jusqu’aux mégabassines (on y est clairement opposés), il y a dans l’Hérault des projets de retenues collinaires auxquels nous ne sommes pas opposés sur le principe (mais il faut des pluies pour les remplir et savoir comment les utiliser). On revient à la méthode : produire autrement, en changeant de modèle avec l’agroécologie. Nous sommes pour une agriculture intensive en emplois.

Pour l’agrivoltaïsme, on s’inquiète beaucoup. D’un premier abord, il fait tellement chaud que les panneaux servent d’ombrière, mais on sait que ça peut finir en panneaux sans vigne dessous… Et ça devient un champ de panneaux photovoltaïques. Nous sommes pour des panneaux sur les endroits existants : les bâtiments publics, les parkings… La crainte est que l’on manque de terres agricoles comme les panneaux peuvent rapporter plus que les vignes… C’est à nous de faire en sorte que les vignes permettent à chaque viticulteur et viticultrice de gagner sa vie.

 

Pour améliorer les revenus, privilégiez-vous la révision d’Egalim, la prise en compte des coûts de production, des prix planchers… ?

On s’est déjà battus plusieurs fois à l’Assemblée nationale et on ne le lâchera pas : on veut un prix plancher en grande distribution. Le bordeaux se trouve à 2 €/litre : ça ne le fait pas se vendre plus, mais ça tire l’image vers le bas et, surtout, cela ne permet pas aux paysans de vivre dignement. On ne peut pas leur demander de s’adapter sans gagner leur vie. Les faibles revenus remontaient souvent dans les revendications et les manifestations de cet hiver. Les normes revenaient souvent également. Et les deux sont liés : le problème n’est pas la norme, mais de faire venir des vins qui ne rentrent pas les normes sociales et environnementales. On voit dans le Sud beaucoup de vins d’Italie et d’Espagne qui arrivent en concurrence déloyale. Les accords de libre échange sont à revoir en ce sens.

 

Dans votre circonscription, les importations de vins espagnols et italiens suscitent la colère de certains, mais d’autres appellent à ne pas casser l’export, par exemple sur le CETA. Comment équilibrer protectionnisme intérieur et conquête extérieure ?

Des vignerons me disaient qu’honnêtement les échanges avec le Canada se feraient tout autant sans le CETA. Mais si l’on écarte le prisme viticole, pour tout le poulet au javel et le bœuf aux hormones, les accords de libre-échange ne sont pas si favorables à la totalité de l’agriculture. Certains dans la filière demandent de mettre la viticulture à part des sujets agricoles dans les accords de libre-échange.

Cela revient régulièrement. Comme le sujet de la moyenne olympique pour l’assurance climatique. Avec une production moyenne calculée sur les cinq dernières années, la succession du gel, de la grêle et de la canicule fait que certains n’ont quasiment rien récolté, ou pas grand-chose. Il y a une demande de calculer la référence historique de production sur 10 ans au moins [pour l’assurance récolte].

 

Concernant le vin et la santé, demandez-vous une augmentation de la taxation du vin pour créer une fiscalité comportementale ? Le Nouveau Front Populaire au gouvernement, le Dry January sera-t-il soutenu par l’État ?

La viticulture est un savoir-faire français. C’est une aberration que les Jeux Olympiques [de Paris 2024] mettent en avant le Coca et pas le vin. Il faut être fier du vin français, on ne peut pas le cacher, même si la communication doit être encadrée par la loi Évin et que l’on ne peut pas faire de publicité n’importe comment. Lors du projet de loi de finances pour 2024, la question de la fiscalité du vin a fait débat. Vu la situation, il y a de l’argent à aller chercher ailleurs avant d’aller à ce niveau. Au lieu de taxer le vin, il faut de l’accompagnement pour bloquer les prix de l’énergie et donner des moyens financiers pour changer le modèle agricole. Ce qui n’arrivera pas en augmentant les taxes. Il faut permettre aux viticulteurs de dégager suffisamment de revenus pour changer leur modèle. Cela passe par une meilleure rémunération.

 

Des parlementaires de gauche souhaitent la dénormalisation de la consommation d’alcool en général et du vin en particulière, alors que la filière vin défend une consommation responsable et souligne que la déconsommation est déjà forte naturellement…

Quand des communications sur la santé tapent systématiquement sur le vin, on n’a pas besoin de ça pour voir la consommation de vin diminuer. Arrêtons de toujours taper sur le vin. On ne dit pas qu’il faut refaire des publicités partout, mais l’on est arrivé à un point où il plus facile de mettre en avant de la bière que du vin. On doit pouvoir promouvoir le vin avec des ambassadeurs pouvant tirer les marchés vers le haut, nationalement et internationalement.

 

Evaluée à 100 000 hectares, la mise en œuvre nationale de l’arrachage inquiète actuellement dans le vignoble, mais vous n’avez pas l’air d’en être un franc partisan.

Les primes d’arrachage sont les bienvenues, mais elles ne régleront rien. Le gros sujet d’inquiétude sur l’arrachage dans l’Hérault est de savoir quoi et comment ? Si l’on arrache les vignes d’une personne en fin de carrière pour qu’elle parte à la retraite avec des revenus, c’est très bien pour elle, mais ses terres pouvaient être favorables face à l’évolution climatique (par l’exposition, les cépages…), alors qu’on laisserait des vignes qui ne peuvent pas être irriguées. Il faut faire du cas par cas en se demandant "comment arrache-t-on intelligemment ?"

On ne peut pas être contre les fonds palliant l’urgence. Mais pour ne pas avoir les mêmes problèmes à résoudre dans 5 à 6 ans, il faut changer le modèle structurellement. Nous devons enclencher une bifurcation agroécologique pour le long terme.

 

Pour résumer, La France Insoumise n’est pas contre la viticulture, mais pour une nouvelle donne viticole ?

Pour nous, les deux ne s’opposent pas. On ne veut pas la disparition de la viticulture, bien au contraire ! Dans le Sud, on ne peut pas être contre la viticulture, c’est ce qui structure notre territoire, notre paysage… Nous y sommes tous attachés. C’est indispensable pour nos territoires.

 

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Tous les commentaires (5)
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Laurent Le 21 juin 2024 à 09:45:16
Ce n'est pas des terres qui manquent pour l'agriculture, mais des revenus pour l'agriculteur. Vous pouvez faire tout les PSA (plan de sauvegarde de l'agriculture) que vous voulez, si les agriculteurs n'ont pas de revenus, ils ne vont pas inciter leurs enfants à reprendre les exploitations.
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augustin Le 21 juin 2024 à 08:47:53
"il faut que " utilise au moins 6 fois c est suspect ! qui va faire quoi quand et avec quel budget serait plus rassurant ... mais ce n est pas le sens de cet entretien hélas ! Décevant. On perçoit l impuissance voire le fatalisme alors que le terrain attend des mesures concrètes et des raisons d espérer. Les résultats du prochain scrutin vont probablement confirmer que ces attentes n ont pas eu de réponse depuis le SIA à Paris.
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La rédaction Le 21 juin 2024 à 08:15:50
Bonjour Ben, Merci pour l'alerte : c'était une erreur de plume de la rédaction, désormais corrigée. Bonne journée
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Ben Le 21 juin 2024 à 07:58:14
"Dans ma circonscription, on produit du muscat de Rivesaltes et de Mireval. " erreur de vitispehre ou incompetence du député ...
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Xavier 51 Le 21 juin 2024 à 06:57:56
Ça fait très peur ces réponses ! Nous voyons bien une fois de plus que les sujets ne sont pas maitrisés,parler de grosse exploitation lorsque l'on sait qu'il est déjà tellement difficile de faire une donation aux enfants repreneurs. Dire que l'agriculture doit produire et garder de l'herbe et sans phyto ,qu'il vienne en ce moment avec tout le mildiou et cette herbe qui recouvre et concurrence la vigne . Ces arguments ne tiennent pas ,c'est facile dans son bureau de donner les directions à prendre mais venez une journée travailler avec une pioche vous dormirez mieux le soir et vos idées seront plus claires ! Je suis Hve et Vdc et une partie bio . Donc je connais.
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