’est semaine de Grands Jours en Bourgogne. Et à mi-parcours de ces 5 jours où les visiteurs professionnels viennent s’imprégner de la qualité du millésime 2022 qui commence à être mis en marché, le président de l’interprofession bourguignonne (BIVB) Laurent Delaunay affirme que « la Bourgogne a toutes les cartes en mains pour continuer de rayonner sur ses marchés ». Pourtant, le contexte pourrait être inquiétant. La déconsommation mondiale des vins rouges est en marche et, après une récolte 2021 historiquement la plus basse en Bourgogne depuis 1984, les généreux millésimes 2022 et 23 (respectivement 1,75 et 1,9 millions hl) ramènent une plus grande disponibilité volumique pour les vins bourguignons.
S’appuyant sur les premiers chiffres très encourageants de cette dégustation bisannuelle avec les professionnels des Grands Jours (+40% de fréquentation par rapport à 2018), « et sur les retours extrêmement positifs pour les bourguignons des salons successifs Wine Paris puis Prowein », le président du BIVB affiche son optimisme quant au maintien d’attractivité de la Bourgogne et ses vins. « Après la période de manque, nous allons avoir suffisamment de vins. C’est pourquoi les visiteurs professionnels sont là, pour préparer leur liste de course », appuie-t-il.
Si on pouvait déjà estimer la récolte 2022 généreuse, le millésime 2023 « bat tous les records en Bourgogne », avec un volume en hausse de 29 % par rapport à la moyenne des 5 derniers millésimes. En conséquence, cette hausse des disponibilités de ce début de campagne (+12 %) « a rendu le marché amont moins ferme et tendu que l’an dernier », apprécie Laurent Delaunay. Les sorties propriété affichent déjà une hausse de 8% sur les vracs par rapport à 2022, ces vracs représentant 67 % des volumes totaux sortis. Cette augmentation est portée par les sorties de moûts et raisins (+14.9 %), « montrant la tendance croissante du négoce bourguignon à vinifier et sa volonté de reconstituer des stocks affectés par le faible millésime 2021 », synthétise Laurent Delaunay.
Sur le marché français, les chiffres bourguignons suivent la tendance générale, avec une consommation à la baisse, tout comme les chiffres de la grande distribution (GD), « le plus grand vendeur de vins français et bourguignons », précise Laurent Delaunay. Les vins rouges sont les plus touchés, mais le circuit traditionnel gagne des acheteurs. Jusqu’en 2021, la Bourgogne avait pourtant plus que résisté à ce recul en GD, mais 2022 ( -24 % en volume, -14 % en valeur), puis 2023 (-9 % volume, -3 % en valeur) actent le net recul de la Bourgogne en GD, en partie à cause du manque de disponibilités des 2021. Le président du BIVB souligne néanmoins que la Bourgogne peut se targuer d’une majorité de volumes de vins blancs produits en 2023 (59 %), auxquels s’ajoute 13% de crémants, « en plein dynamique de croissance, même si leur élaboration demande du temps ».


A l’export, les volumes accusent également une baisse (-6 %), alors que la valeur reste équivalente à la moyenne des 10 dernières années (-0,6 %). « Ces pertes en volume sont synonymes de parts de marché plus réduites et plus concurrentielles que par le passé », précise Laurent Delaunay. Dans le détail, les vins blancs (64 % du volume exporté) et les crémants progressent en valeur à l’export, « mais ne compensent pas la baisse des vins rouges, avec une consommation de vin qui évolue avec le contexte socio-économique et les modes de vie pour devenir plus occasionnelle », pose Laurent Delaunay.
En conclusion, le président du BIVB affiche sa confiance quant aux conséquences de l’augmentation de disponibilités en vins du vignoble bourguignon. « Après une forte tension, les stocks avaient besoin d’être reconstitués », défend-il, et apprécie même « la transition douce qui va pouvoir s’opérer vers des prix un peu plus raisonnables ». Ne niant pas que certains prix ont atteint des niveaux « inaccessibles », le président de l’interprofession rappelle que « ces grands crus ne représentent que 1% de la production bourguignonne, alors que nous disposons de 84 appellations différentes qui peuvent se targuer d’un excellent rapport qualité prix ». Après la pénurie, la disponibilité volumique de la Bourgogne est donc une force pour Laurent Delaunay, qui ne manque pas de glisser que ces stocks pourraient être utiles « car nous ne savons pas de quoi seront faites les prochaines récoltes ». En effet, à la question du peu de moyens engagés par l’interprofession dans la promotion des vins à l’export, le président du BIVB explique que « l’ensemble des moyens financiers sont fléchés vers les projets techniques et la baisse notre empreinte carbone, car avant de promouvoir nos vins sur les marchés, nous voulons déjà nous assurer que nous pourrons encore les produire dans 20 ou 30 ans ».