e 11 janvier 2024, Bordeaux Families convie des clients et des personnalités à découvrir sa nouvelle unité de désalcoolisation par distillation sous vide. Opérationnelle depuis le 4 décembre dernier et basée à Sauveterre de Guyenne, elle peut désalcooliser partiellement ou totalement 250 hl de vin par jour. Bordeaux families a investi 2,5 millions d’euros dans l’affaire et s’en servira pour désalcooliser ses vins ainsi que ceux d’autres producteurs, en prestation de service.
Le 11 janvier au soir, l’entreprise fera déguster la série de produits nolow (avec peu ou pas d’alcool) qu’elle se prépare à mettre en rayon. Sous sa marque d’effervescent Louis Vallon, elle a élaboré deux cuvées sans alcool, l’une baptisée Zéphyr et l’autre Perles de Louis Vallon. Sous la marque Sauv’Terre, elle signe trois boissons aromatisées sans alcool à base de vin de France blanc, rouge et rosé. A cela s’ajoutent trois vins IGP Atlantique « faibles en alcool » (9 degrés), un merlot, un sauvignon blanc et un rosé, sous la marque Voiles de l’Atlantique.
« Nous déclinons nos marques existantes sur ce segment du nolow. Les résultats sont bluffants. La distillation sous vide permet de garder les qualités des vins de base. Nous proposons de nouveaux produits pour différents moments de vie et de consommation. Nos vins à 9 degrés pourront être appréciés lors d’un dîner entre amis, nos zéro degré au moment de l’apéritif », explique Philippe Cazaux, directeur de Bordeaux Families.
C’est en 2019 que la coop lance la réflexion sur les vins partiellement ou totalement désalcoolisés. « La consommation n’étant plus régulière, on a compris qu’il fallait s’adapter », indique Philipe Cazaux. Deux ans de cogitation seront nécessaires avant de décider d’investir sur ce segment, les coopérateurs étant très attachés à la qualité des vins produits par leur entreprise.
Berticot, de son côté, est déjà présent sur le sans-alcool et compte sur le Dry January pour doper ses ventes. Début décembre, cette coopérative a diffusé un communiqué indiquant qu’elle relevait le défi du Dry January, « un mouvement suivi par un tiers des français de plus de 18 ans », avec Bertic0%t et No Limit, ses deux vins sans alcool. « Nous allons progressivement sur ce segment de niche, explique Chloé Maixandeau, directrice marketing de Terre de Vignerons. En 2020, des clients à l’export nous ont sollicité pour des vins bien moins alcoolisés. On ne pouvait pas se priver de ces marchés qui s’offraient à nous ».
Avant de se lancer, la coopérative a dû convaincre ses membres. « La qualité des vins sans alcool les inquiétait, révèle Chloé Maixandeau. Apres avoir dégusté les produits que nous avons obtenus, ils ont apprécié et ont compris que cela avait du sens de les vendre sous la marque Berticot pour capitaliser sous notre nom ».
Bertic0%t est dédiée à la grande distribution et No Limit aux cavistes et au CHR. Depuis leur lancement à Wine Paris 2023, la coopérative en a vendu 25 000 cols. « Nous réfléchissons à un effervescent rosé qui pourrait sortir en 2024 », ajoute Chloé Maixandeau.
Fabien Revol, propriétaire du domaine de Brau, à Villemoustaussou dans l’Aude n’attend même pas le Dry Juanary. « Et si en cette fin d’année, à l’occasion des fêtes en famille, entre amis ou des nombreux repas entre collègues, on vous disait qu’il est possible de vous enivrer sans alcool ? » pose-t-il dans un communiqué dédié à sa gamme Cypher.
Ce vigneron est à la tête d’un domaine de 20 ha, certifié bio depuis 1989. En juin, il a sorti un rosé bio sans alcool, 100% grenache, sous cette marque. C’est « la déclinaison non alcoolisée du best-seller rosé Brau Pop With Love », indique-t-il. Sur les 8000 cols qu’il a produits, il en a déjà écoulé 6000. « J’ai choisi une bouteille de type bourguignonne avec une étiquette qui n’entre pas dans les codes traditionnels du vin », ajoute-t-il.
En décembre, Fabien Revol a complété sa gamme avec un blanc tranquille, assemblage de colombard et de roussanne, disponible en bouteilles et en canettes, et un effervescent en canette.
Depuis plusieurs mois, il briffe ses agents et grossistes sur sa nouvelle offre afin qu’ils portent la bonne parole aux cavistes qui distribuent ses vins. En décembre, il est allé faire des animations chez quelque uns d’entre eux. Une façon de mesurer la réaction des consommateurs. « Sur dix personnes, trois passent à l’achat. Mais il faut évangéliser le marché», martèle-t-il.
Avant de se lancer, Fabien Revol a analysé les contraintes. «Outre la méthode de désalcoolisation, il y avait la question de la distribution et le regard de la filière viticole qui ne voit pas ce segment d’un très bon œil » indique-t-il. Poussé par ses clients à l’export et en France, il a franchi le pas. Pour financer son affaire, il a lancé une campagne de prévente sur Ulule au printemps dernier. 300 personnes y ont adhéré apportant plusieurs milliers d’euros.
Le viticulteur continue ses projets. En ce mois de janvier, il doit ouvrir une plateforme de marque dédiée à Cypher. Sur les réseaux sociaux -Instagram, Facebook, TikTok. il va diffuser des vidéos et des photos qui évoqueront l’écoresponsabilité, la nature, le respect de soi, l’équilibre alimentaire. Bref tout ce que veut véhiculer un vin sans alcool.
Pour Moderato aussi, le marché s’ouvre. Crée en 2020 par Sébastien Thomas et Fabien Marchand-Cassagne, cette entreprise a lancé sa gamme « La Cuvée Révolutionnaire » en novembre dernier : un blanc, un rouge et un pétillant sans alcool, produits à 30000 cols pour le circuit traditionnel. Au premier trimestre 2024, elle proposera La Cuvée Originale en blanc, rosé et pétillant (qui remplacera la gamme classique) pour la grande distribution et l’export.
« L’étude menée par le cabinet Seeds en novembre dernier, sur un échantillon de 1000 personnes, nous conforte. 56% des consommateurs d’alcool déclarent réduire leur consommation ou ne plus boire. Plus d’un consommateur sur deux se dit fortement intéressé par le vin sans alcool. A nous de rassurer, de proposer de la qualité et d’expliquer ce que sont ces vins », indique Sébastien Thomas.
Le 12 février 2024, à Wine Paris, le groupe coopératif Vivadour présentera sa filiale Chai Sobre, un centre de prestation de service pour la desalcoolisation et qui ambitionne de devenir le premier centre d’excellence dans ce domaine. « En France, il y a très peu de prestataires. Il faut aller en Belgique ou en Allemagne », indique Pascal Dupeyron, directeur de la filière viticole de Vivadour. L’outil industriel qui a coûté 1M€ devrait être opérationnel au deuxième semestre 2024. Implanté sur le site de la cave de Vic Fezensac, dans le Gers, il devrait traiter 100 000 hl/an par distillation sous vide,. Dans l’affaire, Vivadour va s’appuyer Moderato : « Nous avons besoin de l’expertise et de l’accompagnement de Moderato notamment pour la récupération des arômes », indique Pascal Dupeyron. Moderato qui aura commercialisé 100000 cols partiellement ou totalement désalcoolisés cette année, s’approvisionne en vins de Gascogne auprès de la coop pour ses propres vins désalcoolisé. Un partenariat renforcé.