omme nombre de caves coopératives encore en activité, celle de l’Ormarine a dû s’élargir bien au-delà de son fief originel de Pinet, sur les rives de l’étang de Thau, pour traverser son centenaire d’existence. Dès 1923, le 1er millésime est élaboré sous l’impulsion d’une soixantaine de producteurs de raisins désireux de mettre en commun un outil de vinification nécessitant de lourds investissements. « Dès son origine, l’identité de raisins blancs était étroitement liée aux débouchés principaux de l’époque vers les vermoutheries du secteur : Noilly-Prat, Martini, etc… Le cépage piquepoul était alors loin du premier plan, les viticulteurs préférant le terret-bourret plus productif et résistant aux maladies, donc bien plus rémunérateur », déroule Cyril Payon, directeur de ce qui constitue aujourd’hui le groupe Ormarine. Lui-même en poste depuis 1999, il peut se targuer d’avoir accompagné un quart de l’histoire de la cave héraultaise.
La cave de Pinet atteint assez rapidement les 250 apporteurs, mais le virage d’orientation vers les cépages qualitatifs des années 1960 va marquer le retour du piquepoul sur le devant de la scène. La fraîcheur et la maturité qui caractérisent le cépage sur ce terroir feront le reste pour franchir les étapes successives vers une reconnaissance complète en AOC en 2013. Pour la cave, le chemin n’a pas été dépourvu d’embûches ou de crise, mais plusieurs orientations bienvenues vont la mettre sur les rails de la réussite. « Le partenariat historique avec la maison Jeanjean a redynamisé la grande distribution, pendant que le travail mené en parallèle sur la restauration et l’export ont permis de fortement accroître la notoriété de notre marque », relève Cyril Payon.
Au point que la cave se trouve à l’étroit avec une offre presque exclusivement centrée sur les vins blancs. Avec la cave de Villeveyrac, elle entame alors en 2008 une série de fusions qui vont élargir son offre et sa gamme. Jusqu’en 2022, les rapprochements successifs avec les caves de Cournonterral, Saint-Hippolyte-du-Fort, Vias ou Olonzac-Oupia, ainsi que le rachat, devant le tribunal de commerce, des actifs de la cave de Quarante, vont étendre le territoire d’Ormarine bien au-delà des bords de l’étang de Thau. « Villeveyrac nous a apporté des vins rouges que nous n’avions presque pas, Saint-Hippolyte et Quarante ont apporté la dimension bio, quand Vias et Cournonterral nous ont implanté au plus près des zones de distribution directe que sont Montpellier et les zones touristiques du littoral », retrace Cyril Payon. La fusion avec Olonzac et Oupia ouvre de son côté de nouveaux partenariats pour les marchés vrac et bouteilles.
D’importants investissements structurels ont été réalisés pour spécialiser les différents sites, certains n’étant plus utilisés pour vinifier. Dans cet environnement consolidé, le groupe de la cave centenaire génère un chiffre d’affaires de 40 millions €, s’étend sur près de 3 800 ha, conditionne 11 millions de bouteilles, auxquelles s’ajoutent 20 000 hl de bag-in-boxes, et emploie une soixantaine de salariés. Les 35 000 hl de Picpoul de Pinet produits par la cave sont intégralement destinés aux marchés de bouteilles, alors que la production entre les couleurs s’est équilibrée, avec 40 % de vins blancs et 40 % de vins rosés, pour une minorité de rouges. « Nous visons à présent la stabilisation de notre offre et nos volumes, en jouant sur un volant de ventes en vrac qui amortit les impacts volumiques des millésimes », trace Cyril Payon.
En gardant toujours en vue de coller à l’attente de ses marchés. La variété des débouchés est en ce sens une force. « Notre présence en grande distribution nous a beaucoup aidé pendant le Covid. De la même manière nous chérissons nos consommateurs touristiques qui viennent en camping sur le littoral. Notre mix produit cherche à être en phase avec notre mix cible », situe le directeur d’Ormarine. Le groupe dispose aujourd'hui d'une force d'offre et de services suffisamment solides pour s'affranchir d'intermédiaires. « On grignote des parts de marché à des metteurs en marché grâce au circuit court et direct », enchaîne Cyril Payon. La nouvelle génération de consommateurs est également surveillée de près, en maintenant une agilité de production pour adapter celle-ci aux nouveaux goûts ou nouvelles orientations de consommation.