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onne chère et bons vins. Pour décerner ce mardi 7 novembre le prix Goncourt 2023 à Jean-Baptiste Andrea pour Veiller sur elle (éditions de l’Iconoclaste), les dix jurés de l’évènement littéraire ont pu être inspirés par les accords mets et vins du menu d’exception concocté par le restaurant Drouant (Paris, qui accueille aussi le jury du prix Renaudot). Pour les 122 ans du prix Goncourt, la table du chef Roman Van Thienen a proposé un menu en sept services « en hommage aux écrivains lauréat, académiciens et Charles Drouant » (disponible à la carte pour 190 € par personne), avec des accords mets et vins signés par son chef sommelier Guillaume Sicsic (+120 € pour le menu). Sont associés : caviar à la royale et huîtres Charles Drouant avec la cuvée réserve 2006 des champagnes Charles Heidsieck (Reims, Marne), homard Colette avec un riesling 2019 en Grand Cru Wineck-Schlossberg du domaine Albert Mann (Wettolsheim, Haut-Rhin), turbot Cocteau et Saint-Joseph Blanc 2020 de la maison Tardieu-Laurent (Lourmarin, Vaucluse), chevreuil Huysmans et château Rauzan Ségla 2008 (grand cru classé en 1855 de Margaux), fromage clos Montmartre et chablis 2021 du domaine Jean-Paul et Benoît Droin (Chablis, Yonne) et mirabelles Clavel avec la liqueur abricot du domaine Roulot (Meursault, Côte d’Or). Qu’en pensent les experts comptant parmi les meilleurs sommeliers ?
« À première vue et ne connaissant pas la dynamique de la sélection des vins et les budgets disponibles, je dirais qu’il s'agit d'un choix classique et relativement sûr » réagit Paolo Basso, meilleur sommelier du monde 2013 et d’Europe 2010. « Les accords sont simples, certes sans faute de goût, mais pour l’événement une sélection avec plus de panache aurait pu être appréciée ! » nuance pour sa part Xavier Thuizat, meilleur sommelier et ouvrier de France 2022. « J’approuve l’ensemble des accords pour ce dîner » abonde Marie Wodecki, meilleure jeune sommelière de France 2023 et meilleure élève sommelière de France 2022, qui « trouve particulièrement pertinent le riesling avec le homard. En effet, l’aspect ciselé de ce vin s’accordera à merveille avec le côté marin et végétal du plat », mais regrette en dessert sur « les mirabelles, pourquoi ne pas avoir sélectionné un vin moelleux par exemple issu du cépage gewurztraminer pour un accord local ? ».
Meilleur sommelier du monde 1992, Philippe Faure-Brac défend le choix de la liqueur d’abricot du domaine Roulot : « c’est toujours un moment d’émerveillement : d’une pureté, où le fruit et le sucre s’équilibrent par la star de Meursault qui réussit de très beaux spiritueux ». Pour le sommelier parisien, globalement, il s’agit d’un « très beau menu, avec des accords pertinents dans l’esprit plutôt classique et rassurant comme sait l’être la maison, mais aussi original avec de beaux flacons ». Philippe Faure-Brac souligne la pertinence d’avoir sélectionner un vin d’Alsace sur le homard : « on y pense, mais on en sert peu, alors que c’est l’expression liquide de la minéralité ». Sur le turbot, « on va plus spontanément sur la Bourgogne, l’accord est ici inversé avec le Saint-Joseph sur le poisson et le Chablis sur le fromage ». Pour le chevreuil, le choix classique d’un « très beau Margaux de 2008 permet d’exprimer l’évolution des arômes tertiaire qui se marie avec la chasse ».
Cette association suscite des réserves pour Paolo Basso. Le sommelier suisse relève qu’« il y a toujours le problème habituel des fruits sucrés (figues et cerises noires) qui tuent le vin rouge, mais on ne peut pas lutter contre des traditions si profondément enracinées. C'était compréhensible dans le passé, lorsque le gibier était très amer et sauvage, et qu'il fallait alors "atténuer" ces goûts forts avec le composant sucré. Mais aujourd'hui, quand le gibier a un goût raffiné, on peut aussi l'éviter et ne laisser que des champignons et un autre accompagnement selon la tradition locale, comme ici en Suisse les Spätzli au beurre, qui se marient très bien avec les tannins des vins rouges. » Concernant le chablis sur le fromage, « il n'y a que le problème de la séquence, car il passe après le Rauzan-Ségla 2008 et il faut réinitialiser son palais pour accepter cette forte acidité à la fin du repas. »
Le menu d'accords mets et vins du Goncourt est proposé au restaurant Drouant pour 310 €, le prix Goncourt 2023 est disponible en librairie pour 22,50 € les 580 pages.
