ernières nouvelles du front de la distillation de crise. Son calendrier de mise en œuvre s’est affiné ce 17 octobre avec le vote du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer permettant la notification d’une deuxième vague de distillation ce vendredi 20 octobre, avec le déploiement des 40 millions d’euros supplémentaires annoncés ce 25 août par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Financée par la réserve de crise de l’Union Européenne, cette rallonge impose la fin des opérations de distillation avant le 31 décembre 2023 et la réalisation des paiements au 31 janvier 2024. Soit une nouvelle course contre la montre pour l’outil industriel des distilleries. « Je salue le travail remarquable des distilleries, qui ont permis de terminer la première phase de distillation le 15 octobre. On commence à payer les premières aides, avec 10 millions € versés au 15 octobre (sur les 80 millions € de la première phase) » rapporte Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui pointe l’urgence d’enclencher la deuxième vague face à l’impatience du vignoble… Qui devra passer par une troisième phase pour en finir avec ce dispositif particulièrement tarabiscoté.
Devant retirer 3 millions d’hectolitres de vin, la distillation de crise 2023-2024 se trouve découpée en trois épisodes à cause du financement haché de ses 200 millions € de budget. La première phase de distillation est financée par 80 millions € des crédits 2023 de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin*), la deuxième repose sur les 40 millions des réserves de crise de l’Union Européenne, quand la troisième utilise 80 millions € de l’article 213 de l’OCM vin permettant des aides d’état plafonnées annuellement à 15 % de l’enveloppe OCM. Chaque source de financement imposant son calendrier et ses contraintes, le vignoble se retrouve face à une mécanique administrative parfaitement huilée dans sa production gazeuse à défaut de fluidité pour ses utilisateurs/bénéficiaires.
Concrètement, les modalités de cette deuxième phase restent inchangées par rapport à la première (volume minimal de 30 hl, sanctions…), mais le volume d’action est globalement divisé par deux pour cette deuxième vague par rapport à la première. Victime de son succès, avec 4,4 millions hl d’engagement pour un financement permettant de distiller 3 millions hl, l’outil applique un taux de réfaction, qui permettra au total de retirer 52 % des vins AOP souscrits, 68 % des IGP et 100 % des vins de France. Tous ces volumes seront distillés après la troisième phase, dont l’ouverture sera décidée mi-novembre, pour un lancement au plus tard le premier décembre, avec une réalisation à cheval sur 2023 et 2024 (pour une clôture au 31 juin 2024).


Alors que la distillation de crise touche, enfin, à son terme, la filière vin peaufine son plan stratégique pour prévoir la suite « sous l’égide du CNIV (Comité National des Interprofessions des Vins AOP et IGP) et de Bernard Farges (son président). Il faut se structurer avec un plan ambitieux pour ceux qui veulent rester et un accompagnement digne pour ceux épuisés » résume Jérôme Despey, pour qui « il faut être très clair, il n’y aura pas d’autre campagne de distillation », mais « il y aura des travaux sur la régulation de la production, sur la conquête de parts de marché à l’export et en France, sur le coefficient multiplicateur avec la restauration en région… »
Le plan de filière est d’autant plus nécessaire que la situation devient préoccupante dans de plus en plus de secteurs du vignoble. « Il y a des tensions dans de nombreux bassins et on a l’impression que les tensions s’étendent, avec des gradations différentes » indique Jérôme Despey, qui en appelle à la responsabilité de tous. À commencer par les metteurs en marché pour positionner les cours de la prochaine campagne de vin en vrac. « Une baisse des prix ne serait pas supportable dans le contexte d’augmentation des charges et d’hétérogénéité de la production » réagit le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault), ajoutant qu’« avec tous les collègues, nous ne nous sommes pas battus pour mettre en place une distillation et que des propositions de prix soient inférieures aux niveaux de la distillation » (75€/hl pour les AOP, 65 €/hl pour les IGP et 45 €/hl pour les vins de France).
Autre mise au point : la vigilance sur le respect de l’engagement charentais pris lors de l’octroi d’autorisations de plantation nouvelles sur l’étanchéité entre les volumes produits pour Cognac et le marché des vins blancs en cas d’excédents. « Je ne veux pas entendre que des volumes puissent basculer en VSIG et perturbent les marchés » prévient Jérôme Despey. Le président du conseil spécialisé appelle également les pouvoirs publics et politiques à soutenir la filière, comme avec l’outil de transformation en prêts bonifiés des Prêts Garantis par l’État (PGE), mais pas un concours Lépine de la taxation. Ces soutiens politiques seront nécessaires pour avancer sur les demandes que portent Jérôme Despey sur la restructuration différée (pour avoir une aide sur 5 années précédant la plantation) et un système de préretraite (une aide relai de 12 000 €/an sans cotisations, pour la transmission d’un domaine par un viticulteur de plus de 57 ans en mauvaise situation, physique ou financière, à un jeune, s’installant ou installé depuis moins de 10 ans).
« Tout le monde veut aller vite, mais tout ne peut pas se faire en un coup de baguette magique » conclut Jérôme Despey.
* : « Il n’y a pas d’argent perdu dans l’OCM vin. Tout est utilisé pour la restructuration, la promotion, l’investissement, la distillation… L’intégralité de l’argent est décaissée » précise Jérôme Despey.