’était le 9 août dernier : le bateau Loudenne II effectuait sa première croisière, au départ de Pauillac, jusqu’au port privé de château Loudenne, cru bourgeois du Médoc. Un bateau acquis par Christophe et Sophie Gouache, à la tête de la propriété. Trois circuits sont proposés entre avril et fin septembre : croisière commentée, îles et carrelets avec dégustation des vins à bord du bateau de 12 places, un parcours baptisé Verrou de Vauban avec passage au large de l’île Pâté et de la citadelle de Blaye, ou encore excursion au château Loudenne avec visites et dégustations.
C’est en avril 2022 que Christophe Gouache, expert-comptable qui a revendu son entreprise, spécialisée dans le conseil aux professionnels de santé, rachète le château en redressement judiciaire qui était détenu par le groupe chinois Kweichow Moutai associé au cognac Camus. Dès qu’ils visitent le château, Sophie et Christophe Gouache sont happés par l’atmosphère de nostalgie et d’équilibre que dégage cette propriété de 47 hectares de vignes plantées (sur un potentiel de 70 ha), seule propriété viticole du Médoc à jouir d’un port privé sur l’estuaire de la Gironde. Dans cette partie sauvage du Médoc, château Loudenne construit au XVIIème siècle, a longtemps été réputé pour ses fêtes mondaines notamment dans les années 20, mais aussi pour avoir accueilli nombre de personnalités telles que Jackie Kennedy, Edward Heath. Sauf que peu à peu la propriété perd de son lustre et finir par s’endormir.
Aujourd’hui, Christophe Gouache a bien l’intention de réveiller la propriété (HVE 3 depuis 2017, certifiée Bio en 2022). « Il ne s’est rien passé depuis des années. En jouant sur plusieurs leviers, nous pouvons revenir dans la course » confie-t-il. Alors les investissements s’enchainent bon train. D’abord à la vigne, avec un plan de plantation en blanc et rouge sur 12 hectares. Un investissement global de 480 000 €. 4 hectares sont déjà plantés. Chaque année, des cépages tels que viognier, chenin, sauvignon gris pour les blancs et merlot et cabernet franc pour les rouges, seront installés. Histoire de faire des mono cépages.
De même, un nouveau cuvier est à l’étude. Jusqu’alors Loudenne ne disposait que de grands contenants de 150 à 250 hl, pas vraiment adaptés aux vinifications parcellaires. Outre les mono cépages, vont être produits des vins nature, sans sulfites, et des vins casher. Dans un premier temps, 6000 cols pour chacun de ses vins est programmé. Le nouveau cuvier devrait se doter de cuves de 50 à 100 hl pour un investissement global de 3 M€ qui sera opérationnel en 2026.
Le volet oenotouristique est déterminant : « Nous souhaitons que la marque Loudenne, très importante à l’international (plus de 95 % du chiffre d’affaires) devienne notre premier marché en France. C’est prioritaire car nous ne réalisons que 2 à 3 % de nos ventes dans l’hexagone » indique-t-il. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Mais là aussi Christophe Gouache se donne les moyens en misant sur le site et son potentiel. Les projets devraient permettre de faire gonfler le nombre de visiteurs : entre avril et septembre, 6 000 personnes ont été accueillies. Le chai à barriques est entièrement revu et aménagé. Il va permettre au travers de passerelles de suivre le cheminement du vin. L’écoulement des eaux a été entièrement reconfiguré. La partie décors n’a pas été négligée avec la pose de 28 lustres dans le chai. Un investissement de 300 000 €.
La propriété dispose de quatorze maisons qui ont été construites pour le personnel dans les années 70. Cinq sont aujourd’hui occupés par les salariés (Ils sont 16 en CDI). Les autres vont faire l’objet de réfection pour devenir des éco lodges. Budget global : 1 à 1,5 M€. Un projet complètement finalisé d’ici 2026. Autant d’investissements accompagnés d’une communication sur la marque, notamment sur les réseaux sociaux : 6 500 followers sur Instagram, 2 000 sur Facebook et un millier sur LinkedIn. De même, le château travaille avec une dizaine d’influenceurs.


La production annuelle oscille entre 2 et 300 000 cols dont 40 000 en blanc distribués par le biais des importateurs, notamment aux Etats Unis, Japon, Québec et en Duty free. En Suisse, en Allemagne et en Chine, Christophe Gouache se dit qu’il pourrait travailler avec le négoce bordelais. Pas simple.
« Lors du premier rendez-vous on m’a regardé comme un extraterrestre » se souvient-il. Et d’ajouter : « Je n’observe pas une grande réactivité de la part du négoce. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux ». Sans toutefois perdre espoir. Des contacts sont en train de se nouer. En attendant, il poursuit ses avancées. Et compte pénétrer la grande distribution. « Nous venons de répondre aux appels d’offres des enseignes pour être présents lors des prochaines foires aux vins de printemps » souligne-t-il. Un rouge baptisé "Château Loudenne cuvée 1670", en référence à la création de la chartreuse en 1670. Un assemblage de cabernet sauvignon et merlot, spécialement concocté pour répondre aux attentes des grandes surfaces.