n quelques semaines, les résultats des analyses de pétioles de la société de recherche et de développement viticole (SRDV) ont radicalement changé. « Le millésime a basculé avec l’arrivée des orages début mai, pose Matthieu Chazalon, directeur adjoint de la SRDV. Il est parfois tombé 300 mm en un mois. Dans l’ouest audois, les Corbières, à Cahors, dans le vignoble du Pic-Saint-Loup, dans le Haut Var ou dans la Vallée du Rhône, les vignes ont retrouvé une belle vigueur ».
Le dernier baromètre du spécialiste des solutions agro-météo Weenat confirme que les épisodes pluvieux ont permis d’atténuer la sécheresse de surface. « Au 20 juin, la France est entrée dans la normale pluviométrique des 30 dernières années. Et sur les 6 premiers mois de l’année, le département de la Gironde affiche même un excédent pluviométrique de 31% » indique-t-il.
Les vignes se sont mises à pousser très vite. « Cela s’est parfois fait au détriment de la fleur. Nous avons vu un peu de coulure dans les parcelles où les viticulteurs n’avaient pas apporté d’azote foliaire pour éviter ce coup de bélier » reprend Matthieu Chazalon. Sauf exceptions, la floraison s’est très bien déroulée. Les baies grossissent à bonne vitesse. La météo a favorisé le développement du mildiou, qui atteint désormais des grappes malgré les traitements. « Mais la sortie a été si belle que les viticulteurs devraient faire une grosse vendange ».
Azote et potassium ont été remis en solution. Il ne reste que quelques carences en fer et en manganèse sur les sols calcaires. « Cela sera moins efficace qu’en début de saison compte tenu du développement de la végétation mais il est possible d’en apporter jusqu’à la fermeture de la grappe pour aider la photosynthèse » continue Matthieu Chazalon.
Les analyses de pétioles révèlent aussi parfois de petites carences en calcium. « Là aussi, les viticulteurs peuvent encore intervenir pour renforcer la résistance des pellicules au flétrissement et à la pourriture en fin de saison ».
Les viticulteurs installés sans irrigation sur le littoral allant de Perpignan à Montpellier vivent un millésime bien plus compliqué. « La sécheresse y persiste » regrette Matthieu Chazalon. L’ingénieur témoigne d’une grosse hétérogénéité au débourrement, surtout sur les sols lourds et les parcelles taillées tardivement. « Les orages n’ont pas suffi à recharger les sols. Ils ne minéralisent toujours pas les éléments. L’azote est au plus bas et les rameaux ne poussent pas. »
Le potentiel de récolte a déjà été amputé de moitié par le manque d’eau et la coulure. « Les ceps portent de toutes petites baies aux stades phénologiques variés. Les vendanges vont être un vrai casse-tête. La vinification en blanc et en rosé aussi » anticipe Matthieu Chazalon, craignant d’ici là des vagues de chaleurs et des « coups de chalumeau sur des parcelles qui ne transpirent pas et sont toutes fermées ».
La situation économique de beaucoup d’exploitations devient très fragile. « Compte tenu de la mauvaise induction florale et des faibles mises en réserve, elles peuvent aussi malheureusement s’attendre à une petite récolte en 2024. »