ette fois, ça y est : la distillation de crise des excédents de vins rouges et rosés devient tangible avec l’ouverture d’un appel à manifestation d’intérêt par FranceAgriMer pour une aide fixée à 75 €/hl en vin d’appellation (AOP, avec comme cible de distillation 1,3 million d’hectolitres), 65 €/hl en Indication Géographique Protégé (IGP, pour 1,3 million hl) et 45 €/hl en vin sans indication géographique (VSIG, pour 400 000 hl). Pouvant être déposé jusqu’au 5 juillet auprès de l’un des 41 distillateurs agréés, cet engagement unique vaut pour deux phases de distillation des vins rouges et rosés de toute la France*. Avec un budget validé de 80 millions €, la première phase de distillation se déroulera jusqu’au 11 octobre 2023, pour permettre de premiers paiements d’ici la fin de l’année. Bénéficiant actuellement de 80 millions €, la deuxième phase se déroulera suivant l’obtention d’une rallonge européenne de 40 millions € pour éviter toute réfaction des volumes engagés. Soutenue par la France, cette demande de la filière reste en négociation à Bruxelles, alourdissant un processus qui n’aura pas manqué de pesanteur.
« On parle de cette distillation depuis la fin de l’année dernière. Le ministre de l’Agriculture nous a donné son accord le 7 février » rappelle Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, pointant qu’« il était temps que qu’elle se mette en place, que cette séquence se termine pour qu’on passe à autre chose, qu’on travaille sur la conquête des marchés, sur la contractualisation, sur l’adaptation de l’offre à la demande. » Séquence terminée ? Pas tout à fait. La France doit encore arracher à Bruxelles l’accord pour obtenir 40 millions € supplémentaires de la réserve de crise afin de distiller 3 millions d’hl en tout. Jérôme Despey espère une réponse dans les semaines qui viennent.
En attendant que l’enveloppe totale des aides à la distillation soit définitivement calibrée, les opérateurs ont deux semaines pour remplir un formulaire d’engagement. Grâce aux, longues, négociations de cette mesure de distillation, les modalités d’inscription sont réduites au minimum. Ce qui chagrine notamment le négoce, souhaitant davantage de finesse statistique pour alimenter les réflexions stratégiques. Mais cette épure administrative va simplifier le remplissage des formulaires. Les critères d’éligibilité se limitent aux bénéficiaires (« les producteurs ayant déposé une déclaration de récolte/production de vin au titre de la récolte 2022 et les négociants »), aux caractéristiques des vins à distiller (rouges ou rosés en AOP ou IGP ou VSIG, tant qu’ils atteignent au moins 11°.alc), à leurs quantités (le volume minimal de l’engagement par segment est de 30 hl) et à leur historique (ils doivent être présents sur la Déclaration Récapitulative Mensuelle du 31 janvier 2023 de l’opérateur).
Pour le reste, il n’y a pas de de justifications à avancer. Comme l’indique la circulaire de FranceAgriMer, « la filière viticole française traverse actuellement une crise conjoncturelle dans le contexte d’inflation lié à la guerre en Ukraine qui exacerbe des difficultés structurelles dans certains bassins viticoles et couleurs de vins ».
En cas de non-respect des engagements lors des deux phases de distillations, des sanctions seront imposées à partir de 20 % de non-livraison. De 20 à 50 % de non-respect de l’engagement de livraison, l’aide sera diminuée de moitié. Au-delà de 50 % de non-livraison, l’aide sera annulée dans sa totalité.


Tout ce processus de distillation reste à date « sous réserve de l’adoption par la Commission européenne d’un acte délégué permettant aux Etats membres de mettre en œuvre une mesure de distillation dont dépend la publication de la décision relative à l’ouverture du dispositif d’aide » précisent les documents de FranceAgriMer. La Commission Européenne devait se prononcer ce jeudi 22 juin sur cet acte délégué en procédure d’urgence. Un cadre réglementaire partagé avec l’Espagne et le Portugal. Pour réduire au maximum les délais, FranceAgriMer a anticipé l’ouverture de l’appel à projet afin de lancer au plus vite la distillation, dont l'avancée sera immanquablement affectée par les vacances d’été et la frénésie des vendanges.
* : À l’exception des vins sans indication géographique des bassins viticoles du Centre Val de Loire et de Vallée du Rhône - Provence, à cause de cours particulièrement bas qui auraient imposé une dévalorisation de l’aide aux vins de France.