’est parti. Le plan d’arrachage sanitaire démarre en Gironde. Pour preuve, la venue, ce lundi 5 juin, dès 8h du matin, du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, à Sallebœuf, sur l’exploitation du président des vignerons indépendants de Gironde, Regis Falxa.
Le ministre aux côtés d’Etienne Guyot, préfet de Nouvelle Aquitaine, d’Allan Sichel, président du CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) et de Lydia Héraud, conseillère régionale, a signé la convention tripartite qui doit permettre aux vignerons d’engager une stratégie de dé-densification de leur vignoble.
Ce plan, totalement inédit, concerne 9 500 ha avec une prime d’arrachage de 6 000 €/ha. L’Etat s’engage à mobiliser 30 M€ voire jusqu’à 38 M€. La Région Nouvelle Aquitaine mettant 10 M€ et le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux apportant 19 M€.
Le hic, c’est que les 2/3 de ses crédits sont consacrés à la « renaturation », avec un boisement sur 30 ans ou de la jachère sur 20 ans. Ne reste donc que 30 00 ha sur les 9 500 ha pour aller dans la voie de la diversification pour les viticulteurs qui restent exploitants agricoles ou viticoles. Autant dire que c’est peu et que la pilule passe mal auprès des viticulteurs girondins.
« La renaturation avec un engagement de 20 ans, cela choque nos viticulteurs qui pour certains sont âgés » a souligné Stephane Gabard, président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux supérieur. Même son de cloche pour Jean-Samuel Esnard, le président de la FNSEA de Gironde qui n’a pas manqué de rappeler au ministre que la condition de renaturation n’attirait pas les propriétaires bailleurs. « Aucun de leurs deux syndicats présents en Gironde, ne la jugent pertinente. Du coté des propriétaires exploitants, cette condition ne répond qu’à très peu de cas de figure ».


Toutefois, Jean-Samuel Esnard « souhaite que ce plan de réduction des surfaces soit une réussite et que la renaturation ne soit pas la cause d’un échec ». Et de souligner que la situation de la viticulture bordelaise n’a pas cessé de se dégrader : « Cave coopérative ayant stoppé le paiement des répartitions depuis plusieurs mois à ses adhérents, union de caves coopératives au bord du précipice, des vignerons indépendants qui déposent le bilan, suicides … ». Bref il est urgent d’agir.
Réunis à l’ombre de deux grands arbres, assis en demi-cercle autour du ministre, les représentants des organisations professionnelles de la filière viticole ont, tour à tour, pris la parole, avec Bernard Farges, président du Comité National des Interprofessions des Vins, dans le rôle de l’animateur. Ce dernier a d’ailleurs insisté sur la nécessité d’aller vers un dispositif européen à terme. Jean-Louis Dubourg, le président de la Chambre d’agriculture de la Gironde a, lui, rappelé les efforts faits par l’institution notamment en aidant les viticulteurs à prendre la voie de la diversification, que ce soit dans l’élevage, les productions végétales ou encore la méthanisation.


Sandrine Etourneau, une viticultrice de Saint André de Cubzac, a interpelé le ministre : « Que pouvez-vous faire sur le long terme ? Le désespoir a remplacé l’espoir » a-t-elle confié. De son coté, Regis Falxa, a mis l’accent sur les Prêts Garantis par l'Etat (PGE), en rappelant quelques chiffres : en Gironde, le PGE moyen tourne autour de 136,400 €, ce qui représente 25 % du chiffre d’affaires. 96 % des viticulteurs ont consommé leur PGE. Et 100 % ont besoin d’allègement car 96 % ne pourront pas rembourser. « L’Etat doit nous aider. Nous demandons un allongement via les prêts bonifiés. »
Le CIVB par la voie d’Allan Sichel, lui aussi, a dressé ses requêtes au ministre : « Notre accompagnement de 19 M€ s’articule autour de 5 M€ pris sur nos réserves et 14 M € empruntés. Notre demande est simple : nous sollicitons la garantie de l’Etat sur cet emprunt contracté ».
Le ministre prend des notes, noircit son calepin, hoche la tête, en signe d’écoute. Vient le tour de Didier Cousiney, porte-parole du Collectif Viti33, se confondant en remerciement pour avoir été convié à la petite réunion, tout en lançant au ministre un cri d’alarme : « Je voudrais vous prendre par la main et vous emmener voir des jeunes viticulteurs qui sont dans l’interrogation de savoir s’ils vont continuer ou pas leur métier ». Au passage il en rajoute une couche sur la renaturation, avec cette « hérésie qui consiste à laisser pendant 20 ans des jachères ».
Marc Fesneau, dans l’empathie, sur le registre de la simplicité et la liberté de ton, a indiqué qu’il n’oubliait jamais les détresses humaines : « Derrière les dossiers, il y a des individus. On est ici pour essayer de se battre ». La renaturation ? « J’entends la question des 20 ans. On est sur un dispositif nouveau ».
Un peu d’espoir tout de même : le dossier de la distillation devrait être réglé cette semaine. « On a presque abouti ». Pour l’arrachage, une plateforme en ligne va permettre aux viticulteurs de se pré-enregistrer. Premiers arrivés, premiers servis, sachant que la priorité sera donné aux viticulteurs qui cesseront leur activité.