ous un soleil éclatant, le mistral souffle en rafales sur le domaine des Diables, à Puyloubier, dans les Bouches-du-Rhône. C’est dans ce cadre idyllique, au pied de la Sainte-Victoire, qu’ont choisi de s’installer Guillaume Philip et Virginie Fabre en 2005. Depuis, les projets ne manquent pas.
Cette année, c’est la mise en service d’une nouvelle ligne d’embouteillage et d’habillage. À cette fin, un bâtiment de 600 m² vient tout juste de sortir de terre. Au rez-de-chaussée, il abrite les deux monoblocs qui composent la nouvelle ligne et une zone de stockage des vins prêts pour l’expédition. À l’étage, une salle de séminaire viendra compléter l’offre œnotouristique.
Avec 80 ha, 30 ha et 50 ha en achat de raisin et de moût, le domaine des Diables conditionne environ 500 000 cols d’AOP Côtes de Provence et côtes-de-provence Sainte-Victoire pour une gamme composée de 80 % de rosé, 15 % de blanc et 5 % de rouge.
« Nous avons étudié plusieurs endroits et différentes configurations avant que la ligne trouve sa place. Finalement, nous avons construit le bâtiment autour d’elle », explique Guillaume Philip. Un projet d’un montant de 2 millions d’euros au total qui va lui permettre de retrouver autonomie et flexibilité.
« J’ai passé cinq années compliquées à travailler avec des camions d’embouteillage. Il fallait prévoir les mises trois à quatre mois à l’avance. Dans le contexte actuel, compte tenu des difficultés d’approvisionnement en matières sèches, les retards de bouteilles ou de capsules peuvent devenir stressants. Sans parler des équipes plus ou moins fiables, des étiquettes mal placées, des palettes mal houssées », pointe le vigneron, non mécontent de retrouver son autonomie.
« Et avec le camion, je ne peux pas tirer quand je veux, ajoute-t-il. Si je suis en rupture sur une cuvée, je suis obligé d’attendre la prochaine mise. Parfois, j’ai même arrêté l’élevage barrique de vins de garde pour les conditionner car le camion n’allait pas revenir pour tirer 3 000 ou 4 000 bouteilles. » Autant de raisons qui ont conduit ce vigneron à investir dans une ligne Gai d’une valeur de 500 000 € pour une cadence maximale de 3 000 bouteilles/h. « L’investissement est rentable, le camion nous prenait 0,22 €/col. J’ai choisi GAI en partie pour le SAV et la proximité », précise Guillaume Philip, GAI France étant située dans le Var, au Cannet-des-Maures, à moins de 70 km du domaine.
Ce 10 mai, c’est le premier jour de formation du vigneron et de son équipe. Jean-Christophe Imbert, directeur commercial GAI France, et Sébastien Paris, le responsable du SAV, ont fait le déplacement à Puyloubier à cette fin. En amont, ils ont testé la ligne dans leurs locaux et enregistré tous les formats de bouteilles que le domaine utilise grâce aux descriptifs fournis par Guillaume Philip, photos à l’appui.
« Quand on multiplie les références, c’est compliqué de faire de l’embouteillage à façon. Pour des domaines créatifs comme celui-ci, il y a un réel intérêt à investir dans une ligne de tirage », assure Jean-Christophe Imbert.
L’agencement a entièrement été étudié avec le chef de projet GAI France en amont et optimisé selon les besoins du vigneron. « La ligne est disposée en U pour que le chef de ligne puisse avoir un œil sur l’ensemble », précise Guillaume Philip, qui compte faire tourner la ligne avec quatre personnes à une cadence de 2 800 bouteilles/h.
Après la palette de filtration, un premier monobloc est composé de douze postes de rinçage, d’un désaérateur, de seize becs de tirage et d’une boucheuse, tandis que le second comprend un distributeur de capsules, une sertisseuse rotative et une étiqueteuse adhésive, le tout relié par des convoyeurs.
Dans un premier temps, Sébastien Paris présente l’intégralité de la ligne, les fonctionnalités récentes et les options : les deux écrans tactiles de 13 pouces, sécurisés par code avec différents niveaux d’accès, les codes couleur sur les étoiles pour éviter de mettre celles de la tireuse sur celles de la rinceuse et vice-versa, la téléassistance qui permet à Gai de prendre la main sur la machine pour établir un premier diagnostic à distance, l’éclairage LED, la réduction du bruit par deux grâce à la suspension de la motorisation… tout ce qui permet de gagner en confort sur cette nouvelle ligne.
« Nous allons former l’équipe à l’eau puis au vin. Il faut généralement compter une demi-journée de formation par format de bouteille pour changer les étoiles, trouver la bouteille dans l’automate, etc. » précise le responsable du SAV. Mais Guillaume Philip n’est pas inquiet, il a déjà eu l’occasion d’utiliser du matériel GAI par le passé. « En revanche, pour mon équipe, ça risque d’être plus difficile », reconnaît-il.
Viennent ensuite les aspects plus techniques. Chaque station du monobloc est passée en revue pour suivre le cheminement de la bouteille et les explications du responsable SAV. « Au niveau de la rinceuse, une fois la bouteille retournée, un injecteur mobile pénètre dans la bouteille pour envoyer de l’eau filtrée, puis de l’air afin de sécher la bouteille et éviter les problèmes d’habillage par la suite », explique Sébastien Paris. Les eaux de rinçage seront ensuite récoltées et injectées dans le réseau d’irrigation en goutte-à-goutte, non négligeable quand on sait qu’il faut environ 15 cl pour rincer une bouteille de 75 cl.
Une fois la bouteille séchée, le désaérateur fait le vide et sature en azote simultanément, afin de réduire l’oxydation du vin. C'est indispensable pour Guillaume Philip, qui multiplie déjà les efforts. « Je produis 80 % de rosé. Je travaille avec deux pressoirs Inertys et je suis très sensible à l’hygiène en cave. Toutes mes cuves sont stabulées, je veux maîtriser l’oxygène dissous jusqu’à la mise, même si je suis déjà à moins de 1 mg/l », explique-t-il. Jean-Christophe Imbert met en garde, tout de même : « Les joints doivent être changés environ une fois par an pour assurer l’étanchéité. S’ils ne sont pas parfaitement étanches, l’O2 dissous peut être multiplié par 100. »
Guillaume Philip en profite pour questionner le responsable SAV sur la disponibilité de pièces de rechange en cas de casse. Ce dernier se veut rassurant : « Nous avons tout en magasin à l’usine. »
Pour la boucheuse, ce directeur a choisi une tourelle « revolver », c’est-à-dire qu’elle possède deux têtes de bouchage avec chacune un obturateur différent : bouchon et capsule à vis. « Je n’utilise pas encore de capsule à vis, mais j’ai de la demande à l’export », précise-t-il.
Autre avancée, le graveur laser, situé entre les deux monoblocs, lui permet d’apposer le numéro de lot et l’heure sur les bouteilles de façon indélébile. « Avant, je n’avais que le numéro de lot sur la contre-étiquette. Je faisais un numéro de lot par cuvée, se réjouit Guillaume Philip. Désormais, je peux en faire un par tirage. Si j’ai un rappel, je peux le faire uniquement pour les bouteilles correspondantes. » Un distributeur de capsules alimente ensuite la sertisseuse avant l’étiquetage, qui peut être réalisé avec un repérage de la couture pour la pose parfaite d’une contre-étiquette sur les bouteilles sérigraphiées.
« Nous formons également nos clients à l’entretien, au nettoyage et à la désinfection de la ligne », précise Jean-Christophe Imbert. « Tous les Inox sont électropolis, j’ai des clients qui lavent la ligne uniquement à l’eau chaude. Il faut compter environ une heure, voire une heure et demie, pour la nettoyer et la préparer pour le lendemain », poursuit-il.
Après cette première approche, reste à accompagner l’équipe pour une véritable prise en main de la machine avant que Guillaume Philip n’attaque un autre projet qu’il promet innovant : produire de la bière en rapport avec le vin… À suivre !
« Au bout de deux jours de formation, nous avions déjà survolé 80 % des deux machines avec l’équipe, se réjouit Guillaume Philip. GAI nous a ensuite accompagnés pendant une dizaine de jours. » Après cela, la première mise a pu être réalisée le 24 mai, soit environ deux à trois semaines entre l’installation et la mise en route effective. « Nous n’avons tiré que 2 400 bouteilles car on s’est amusés à changer plusieurs fois de format. Il faut que l’équipe s’habitue et que nous trouvions notre organisation de travail car le stress monte dès que l’on augmente la cadence. » La prise en main de la ligne a aussi permis au domaine des Diables de repérer certains dysfonctionnements. « Là, par exemple, on doit revoir la gestion de la vitesse de la pompe avec GAI la semaine prochaine car je ne parviens pas à passer en cadence maximale », s’étonne le vigneron, qui espère bien tourner à pleine cadence dès la deuxième semaine de mise en route.