doptée ce jeudi 9 mars par le gouvernement d’Élisabeth Borne, la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 souhaite notamment « changer de regard sur les consommations, en éliminant par exemple certaines représentations positives ou tolérantes associées à la consommation d’alcool ». Un nouvel épisode dans la politique sanitaire de dénormalisation (ou débanalisation) de la consommation de boissons alcoolisées en général (et de vin en particulier). Une approche hygiéniste qui se traduisait récemment par la campagne « la bonne santé n’a rien à voir avec l’alcool » de janvier 2023 de Santé publique France (en partenariat avec le ministère de la Santé) lancée pour le "Défi de janvier" (ou "dry january") pour « débanaliser la consommation d’alcool en interpellant sur le caractère absurde de se souhaiter une "bonne santé" ou "santé" en trinquant avec des verres d’alcool ».
Problème, le président de la République, Emmanuel Macron, prônait ce samedi 25 février auprès de la filière vin une approche de « modération plutôt que d’éradication » dans la consommation de vin. Glissant ne pas avoir validé la campagne "bonne santé", le chef de l’État « a réaffirmé sa volonté de voir la filière vin participer à l’élaboration des trois plans de santé prévus pour 2023 » rapportait alors le Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV), pointant qu’« attachée à la notion de modération, la filière vin se tient prête à participer aux travaux en conformité avec la révolution de la prévention souhaitée par le Président ».


Il semble que ce message de consommation modérée et d’implication de la filière vin n’ait pas été transmis au gouvernement, ou du moins à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). Dans son rapport, cette dernière note donc que « la représentation associant systématiquement fête et consommation excessive de substances psychoactives (en premier lieu l’alcool) doit être déconstruite. » Au-delà du maintien de campagnes annuelles de prévention, la MILDECA demande d’« agir sur les prix »
« Si augmenter le prix du tabac est bien identifié comme l’une des composantes essentielles des différents plans nationaux de lutte contre le tabac, ce levier n’est que partiellement utilisé pour l’alcool. Pour éclairer la décision publique, la MILDECA a soutenu ces dernières années un projet de recherche conduit par l’Ecole d’économie de Paris et l’INRAE [NDLA : étude non publiée]. Il en ressort que la politique de prix minimum (0,5€/verre standard) a une meilleure efficacité que les scénarios de réformes des droits spécifiques (comme des taxes d’assise minimum ou une taxe sur l’alcool pur –type taxe soda) : baisse importante de la consommation d’alcool pur (-15 %), maintien des profits de la filière viticole, avec substitutions des grands opérateurs vers les indépendants, maintien des recettes fiscales totales, la baisse du produit des droits spécifiques étant compensée par la hausse du produit de la TVA » indique le rapport. Qui ajoute que « l’étude confiée à une équipe de l’Ecole d’économie de Paris et l’INRAE, en application du plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022, met en évidence qu’instaurer un prix minimum par unité d’alcool augmenterait très significativement les profits des producteurs indépendants de vin tranquille au détriment des producteurs industriels et des distributeurs des produits d’entrée de gamme. En effet, une politique de prix minimum augmenterait la compétitivité prix des produits positionnés sur des segments de qualité intermédiaire, au détriment des produits d’entrée de gamme » (notamment les vins importés en vrac).


Autre extrait de ce rapport : « l’expertise collective de l’Inserm sur la réduction des risques liés à l’alcool, publiée au printemps 2021, met définitivement fin à la fausse idée, parfois qualifiée de French paradox, selon laquelle une faible consommation d’alcool pourrait être bénéfique pour la santé. Même sans être un très gros consommateur ou alcoolo-dépendant, la consommation d’alcool a une influence sur le développement de nombreuses pathologies : cancers, maladies cardiovasculaires et digestives, maladies du système nerveux et troubles psychiques... »