lors que les vignerons ont le vague à l’âme ce début 2023, entre médiatisation du Dry January (le "janvier sec" sans alcool) et nouvelles campagnes de Santé Publique France (SPF, dénonçant le toast "bonne santé"), ils apprendront dans les comptes rendus de l’audition menée ce 18 janvier par la Commission des Affaires Sociales du Sénat que la déconsommation de vin visée par les hygiénistes n’est pas sans impacts négatifs pour la santé des Français. « L'action conjointe des pouvoirs publics et des professionnels a conduit à une prise de conscience dans l'ensemble de la population et à un véritable effondrement des niveaux de consommation par rapport aux années 1960. On constate une mutation complète des modes de consommation, avec une réduction drastique des consommations quotidiennes de vin à table et une évolution vers d'autres modes de consommation, qui posent d'autres problèmes » déclare le docteur Jean-Michel Delile, qui préside la Fédération Addiction. Cette dernière prônant une dénormalisation des boissons alcoolisées en général, et du vin en particulier, se félicitant notamment de la campagne SPF et du Dry January : "réduire la consommation d’alcool doit être un axe majeur de santé publique" indique son communiqué à ce sujet.
Si le vin quotidien, aliment, ne rentre pas dans le cadre sanitaire actuellement conseillé (deux verres d'alcool par jour et pas tous les jours), il s’inscrivait dans une culture du repas et de la convivialité qui prenait le temps (en faisant la promotion de la consommation modérée comme monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir). Tout l’opposé des consommations excessives, à risque, de boissons alcoolisées auprès de certains jeunes. Ces derniers s’essayant par ailleurs toujours plus au cannabis. « Nous avons encore 900 000 usagers quotidiens de cannabis dans notre pays. Il s'agit d'une préoccupation majeure pour le Gouvernement » alerte Valérie Saintoyant, déléguée de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), qui pointe que « les risques liés à cet usage sont de mieux en mieux documentés par la littérature scientifique : il s'agit d'une bombe pour le cerveau des plus jeunes, des adolescents et des jeunes majeurs, jusqu'à 25 ans, car la maturation cérébrale dure jusqu'à cet âge. »
En la matière, Jean-Michel Delille indique que « la Fédération Addiction est, de longue date, favorable à une dépénalisation de l'usage du cannabis, ce qui n'empêche pas qu'il faille l'interdire pour les mineurs, au travail, au volant, etc. » On connaissait le bon et le mauvais chasseur, y aurait-il désormais la bonne et la mauvaise consommation modérée ? Avec une consommation responsable qui serait acceptable pour la Marie Jeanne, mais toujours inenvisageable pour la dame Jeanne ? Appelant à prendre exemple sur les États-Unis pour la gestion du cannabis, le psychiatre indique que « la légalisation contrôlée, en vigueur dans certains États de l'est des États-Unis, au Canada et au Québec, semble la plus intéressante, car elle a des effets sur le plan économique et social, sans causer d'importants dommages sur la santé publique ». Il y aurait une bonne légalisation contrôlée pour la croissance du pétard, et une mauvaise consommation modérée pour la décroissance du pinard. Ce qui pourrait ressembler à une intéressante dissonance cognitive chez ces hygiénistes.
On ne peut que leur conseiller de parcourir Charles Baudelaire, qui écrivait dans les Paradis artificiels (1869) : « le vin exalte la volonté ; le haschisch l’annihile. Le vin est support physique ; le haschisch est une arme pour le suicide. Le vin rend bon et sociable ; le haschisch est isolant. L’un est laborieux pour ainsi dire, l’autre essentiellement paresseux. […] Enfin le vin est pour le peuple qui travaille et qui mérite d’en boire. Le haschisch appartient à la classe des joies solitaires ; il est fait pour les misérables oisifs. Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. Le haschisch est inutile et dangereux. » Une licence poétique par rapport aux normes sanitaires.