e CBD ? Jérôme Fréville, 58 ans, y croit dur comme fer. Ce viticulteur à la tête de l’EARL Malé-Fréville (9 hectares AOC Médoc et Haut Médoc, à Blaignan-Prignac) n’a pas hésité à se lancer dans la culture du chanvre pour produire du cannabidiol. Une petite expérimentation qui a démarré en 2021. Les raisons de cette diversification ? « Avec ma femme, nous voulons transmettre à nos deux enfants une propriété saine qui ne soit pas un cadavre » répète Jérôme Freville.
Reprise en 1995, la propriété familiale qui écoule sa production auprès de deux coopératives, suit une courbe positive. Le viticulteur est aussi enseignant dans une maison familiale et ce jusqu’en 2013. Les aléas climatiques, à répétition, vont venir perturber ce cycle : grêle en 2014 (perte de 100 % de la récolte), gel en 2017 (70 %), rebelote en 2019 puis en 2021 (70 %). Des accidents qui font réfléchir : ses deux enfants travaillent sur la propriété. Pas question de leur laisser une exploitation moribonde. Cyril, le fils qui a fait notamment un CAP dans le maraîchage, émet l’idée d’une diversification dans le CBD, une molécule présente dans le chanvre et le cannabis, mais qui ne comporte pas de matière stupéfiante (le tétrahydrocannabinol, THC).


Jérôme Freville ne saute pas d’emblée sur le projet : le viticulteur est connu dans le landerneau médocain : il est membre du bureau de la chambre d’agriculture de la Gironde, administrateur de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), secrétaire de l’Organisme de Défense et de Gestion du Médoc. Bref, tout cela fait désordre. « J’étais un peu inquiet. Dans l’esprit de beaucoup, le CBD est amalgamé à de la drogue. Delà à me coller une étiquette de dealer, il n’y avait qu’un pas » sourie-t-il. Les enfants du couple finissent par le convaincre du bien-fondé de cette diversification.
Début 2021, un technicien de la Chambre d’Agriculture vient prodiguer ses conseils. Près du jardin de la propriété, sur 100 mètres carrés, une soixantaine de graines de chanvre (Dioica sativa, une variété légale pour la production de CBD), est semée. La plante qui ne nécessite pas de traitements phytos, économe en eau, devient en quelques mois, un joli arbuste. Le viticulteur avertit la mairie, la gendarmerie de son expérimentation. En octobre 2021 il récolte les pieds entiers et ne garde que les fleurs, soit 3 kilogrammes, pour les sécher pendant un mois
Dans le même temps, le laboratoire français du chanvre constate que le CBD de Jérôme Fréville a un taux de THC inférieur à 0,2 %. CQFD : le produit n’est pas un stupéfiant. En novembre 2021, il crée et dépose une marque « Verte et rebelle ». Reste la question majeure : comment commercialiser ? Le viticulteur démarche les boutiques de vente de CBD de la région. Sans succès. Loin de se décourager, Il entreprend les épiceries et les buralistes. Mais surtout, il va se faire connaitre en vendant sur les marchés locaux. « Verte et Rebelle » est proposée en tisane (effet relaxant). 13 € pour un sachet de 7 grammes. Le sachet en fleurs (utilisé comme une épice en cuisine) est à 20 € pour 10 grammes. L’opération s’avère très rentable.
Reste le nœud gordien : certes, l’Etat français autorise la culture du CBD mais pour l’heure ne donne pas de cadre légal. « Nous sommes coincés dans le système car nous attendons que l’Etat clarifie sa position. Je ne suis pas dans l’illégalité mais je n’ai pas de numéro de producteur, pas de déclaration de surface. Je suis déçu par l’attitude du gouvernement » lâche-t-il. Il n’empêche, Jérôme Freville entend bien continuer dans cette diversification.