uvrez le capot. Avec trois cuvées de parcelles sélectionnées pour leur expression d’un cépage donné sur un terroir atypique sur ses propriétés, le négociant Dourthe étoffe sa gamme « rupturiste » avec son édition limitée de Parcellaires (2 500 bouteilles chaque référence, pour un prix de vente de 20 € en réseau traditionnel). Avec une cuvée "parcelle Sémillon 54" (sémillon blanc sur un sol argilo-graveleux du château Rahoul en AOC Graves), "parcelle Peykem" (cabernet franc sur argilo-calcaire du château Reysson, cru bourgeois supérieur en AOC Haut-Médoc) et "parcelle La Gravière" (cabernet sauvignon sur graves profondes du château Rahoul), « nous partageons avec le consommateur ce que nous vivons au quotidien pendant les vendanges et qu’il ne voit jamais avec l’assemblage des cépages et terroir » explique Frédéric Bonnaffous, le directeur des huit domaines Dourthe.
Cherchant à montrer d’autres facettes des vins de Bordeaux aux consommateurs par le biais cavistes et restaurant, cette gamme adopte une logique bourguignonne de climats, bien distingue de celle bordelaise des vins de garage : « on ne cherche pas la concentration, mais on essaie d’avoir l’expression du lieu la plus pure possible » indique Frédéric Bonnaffous, qui privilégie ainsi l’élevage en amphores (« pour ne pas marquer le fruit »), l’absence de collage et de filtration (mais maintient le sulfitage pour éviter une « évolution aléatoire » des bouteilles). Limitée en volume, cette gamme est déjà bien accueillie par les metteurs en marché : l’essentiel des volumes est déjà commercialisé rapporte Chloé Bouffo, la responsable de la communication de Dourthe, qui note qu’il n’est pas si facile de trouver à Bordeaux des vins affichant clairement qu’ils ne sont issus que d’un cépage et d’une parcelle. Pouvant concerner d’autres parcelles ou suivre celles déjà sélectionnées, l’avenir de cette gamme parcellaire n’est « pas tranché » indique Frédéric Bonnaffous. L’enjeu pour Dourthe étant de rester sur de petits volumes pour ne pas affecter les assemblages des vins d’origine.


Sortant du cadre classique de l’assemblage bordelais, cette sélection parcellaire est née des réflexions du laboratoire de créativité de Dourthe. S’inspirant de pratiques venant d’autres vignobles, ce pôle dédié aux vins atypiques est l’origine d’une gamme iconoclaste lancée en 2002 : la cuvée l’Essence de Dourthe, s’inspirant des super toscans pour un assemblage de vins de ses quatre propriétés emblématiques (les châteaux Belgrave, cru classé en 1855 AOC Haut-Médoc, La Garde, appellation Pessac-Léognan, Le Boscq, cru bourgeois exceptionnel de Saint-Estèphe, et château Grand Barrail Lamarzelle Figeac, en Saint-Émilion grand cru). Une édition limitée à 6 000 bouteilles, dont l’approche iconoclaste a inspiré la récente cuvée Penfold’s II. Un assemblage inédit de vins australiens et médocains. Avec l’objectif de « montrer le meilleur : comment il est possible d’assembler de grands vins, meilleurs que s’ils étaient séparés » estime Frédéric Bonnaffous. Du monocépage identitaire à l’assemblage international, la démarche de Dourthe est de contribuer à la modernisation des vins bordelais. « Bordeaux a tous les atouts en main : il faut oser la prise de risque. C’est comme ça que l’on arrivera à se relancer et recruter de nouveaux consommateurs » pointe Frédéric Bonnaffous, convaincu que la diversité de l’offre bordelaise portera sa relance.
En matière d’innovation à venir, le château La Garde prévoit une opération de surgreffage pour créer une parcelle de multiples cépages : ceux traditionnels de Bordeaux et les six méridionaux à expérimenter. « On va voir si ça marche » résume Frédéric Bonnaffous, concluant dans un sourire qu’« il est parfois fatigant de toujours se remettre en question ».