’est un véritable OVNI (Objet Vinique Non Identifié). Résolument inédite, la cuvée Wicked (dément/génial en anglais) de la marque Piensa (pense/réfléchis en espagnol) est un assemblage inattendu de vins rouges (65 % merlot et 5 % cabernet sauvignon) et de vins liquoreux (30 % de sémillon botrytisé). Avec 14,5 g/l de sucre résiduel, le résultat frise le demi-sec, mais il est tout sauf farfelu pour son créateur, Alejandro María Lopez, le maître de chai du château Gayon (18 hectares de Vignes en Entre-deux-Mers) qui y développe son projet personnel Piensa Wines (30 000 cols réalisés depuis 2016 en France, avec d’autres projets en Argentine).
Faisant du vignoble bordelais son terrain de jeu, et d’expérimentation, le biologiste argentin estime ajouter « une dimension sucrée à l’univers du vin rouge, avec un équilibre entre douceur et tannin. Il faut que ce soit gouleyant ». Son vin est surtout surprenant, sortant des sentiers battus de la dégustation classique. « Quand je le propose à l’aveugle, les gens ne trouvent pas de quoi il s’agit : il ne rentre pas dans les cases. Sa couleur fait penser à du pinot noir. Son nez a des arômes de marmelade, framboise, pruneau, fruits confits, épices, caramel… » détaille Alejandro María Lopez.


Le vinificateur indique avoir trouvé l’inspiration en se posant une question : « si j’avais des vins moelleux que je n’arrivais pas à vendre, qu’est-ce que je ferai ? Je proposerai une nouvelle chose, un nouveau style, pour ouvrir des débouchés. C’est risqué et ça ne plait pas à tout le monde. Pour certains, c’est un sacrilège, mais ça interpelle tout le monde. » En témoigne la rupture de stock de la cuvée, dont les 7 000 cols tirés sont vendus. Se trouvant dans la sélection de la prochaine foire aux vins de Monoprix, la cuvée Piensa Wicked doit être à nouveau produite prochainement. Toujours en vin de France, ce qui n’est pas pour déplaire Alejandro María Lopez. « À chaque fois que l’on sort une bouteille, on est jugé. Et si l’on voit l’appellation Bordeaux, on est préjugé » soupire-t-il.
Cherchant à ce que la bouteille se défende d’elle-même, il a créé lui-même son étiquette, qui indique les particularités de sa cuvée. Mais ne propose pas d’accords mets et vins : « piensa ! C’est à vous de penser. La proposition est inédite, la place est libre pour faire ce que vous voulez avec des moments et situations… » Mais Alejandro María Lopez indique aimer déguster son assemblage iconoclaste avec des pâtes à la bolognaise, des sushis, une pizza… Si d’autres vignerons prennent le risque d’utiliser son idée innovante, Alejandro María Lopez se montre ouvert : « c’est une graine que je sème, elle ne m’appartient plus. Je suis le premier, j’apporte une nouvelle valeur dans le monde du vin. »
Le créateur de Piensa Wines n’en est pas à sa première innovation, comme en témoigne sa gamme de vins. Ayant commencé par un Bordeaux supérieur 2015, son offre va d’étiquettes bordelaises classiques à des essais plus personnels. Comme le psychédélique Winestellation, avec ses assemblages de plusieurs millésimes pour allier jeunesse et évolutions, et l’épuré Réminiscence, des microcuvées et essais atypiques (comme du sémillon ayant réalisé sa fermentation malolactique en barrique…). Inspiré par les figures fractales (qui ont la même structure à toutes les échelles de grossissement), l’innovateur cherche de nouveaux schémas et explore avec le même état d’esprit les possibilités du vignoble d’Argentine. Comme avec un assemblage de vins traditionnels et d’un cépage interdit, l’Isabelle (croisement de Vitis vinifera et de Vitis lambrusca).
Rêvant de fonder sa bodega, Alejandro María Lopez commence par créer sa marque et tracer son sillon. D’autres OVNI en découleront sans nul doute.