armi les derniers bruits de couloir de la filière vin, il en est un qui évoque une prime à la distillation de 55 €/hl pour les vins sans indication géographique (vins de France), 65 €/hl pour les vins à Indication Géographique Protégée (IGP) et 75 €/hl pour les vins d’appellation (AOP). Une hypothèse de niveaux de prix qui ne suscite l’enthousiasme chez aucun signe de qualité, où chacun semble plutôt vouloir coller à l’étage supérieur ou se détacher de son prédécesseur.
Ainsi, le conseil d’administration de l’Association Nationale Interprofessionnelle des Vins de France (Anivin de France) n’est pas favorable à un delta entre IGP et vins de France indique Bruno Kessler, son président. « Négoce et production disent clairement qu’avoir trois niveaux causera de la complexité administrative et sera un mauvais signal pour les vins de France qui se décarcasse pour leur premiumisation » indique le négociant bordelais, affirmant être défavorable « à un décalage qui n’a pas de sens. La pyramide des ex-vins de table, ex-vins de pays et ex-AOC est une vieille lune. »


Président de la Confédération des vins IGP de France (Vin IGP), Gérard Bancillon marque pour sa part un désaccord concernant les rémunérations pour les IGP et AOP : « OK pour petit écart, mais pas 10 €/hl » résume-t-il. S’appuyant sur les dernières statistiques des cours du vin en vrac IGP enregistrées par FranceAgriMer sur les 22 premières semaines de la campagne 2022-2023 (94 €/hl en rouge, -3 %, 92 €/hl en rosé, -3 %*), le viticulteur gardois souligne que s’« il ne faut pas payer plus que prix le plus bas (le principe n’est pas de subventionner l’économie), l’essentiel est que le prix de distillation ne dégrade pas le marché. » Attendant que FranceAgriMer calcule le prix plancher de référence pour les IGP, Gérard Bancillon note que les aides à la distillation pour la crise covid avaient « choisi la valeur au détriment du volume » (78 €/hl pour les vins AOC et IGP, 58 €/hl pour les VSIG en 2020), « un bon choix pour préserver marché ».
Président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), Jérôme Bauer semble être le moins insatisfait avec les hypothèses de prix actuellement évoquées pour la distillation. Même si « l’aide n’est jamais suffisante (à 75 €/hl il y a une perte d’exploitation) », le vigneron alsacien « exige une différenciation entre les segments. Il faut trouver une équité entre une AOP Bordeaux à 40 hl/ha et une IGP à 60 hl/ha voire plus. » Pointant des cours AOP supérieurs à 75 €/hl pour les appellations qui demanderaient la distillation (Bordeaux, Côtes du Rhône*, Languedoc, Provence…), Jérôme Bauer défend une « distillation pour inciter à détruire et retirer du marché. La prime de distillation n’est pas là pour soutenir les prix du marché, mais pour enlever des volumes. »
Alors que les discussions vont se poursuivre pour trouver une position commune aux représentants de la production viticole, il n’y a qu’une certitude : cette distillation de crise doit être efficace pour rééquilibrer l’offre et la demande, une troisième campagne de distillation à court terme n’étant pas envisageable. Comme l’indiquait récemment le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau : « l’idée, c’est de ne pas se retrouver tous les ans avec cette mesure [de distillation]. Mais l’idée, c’est évidemment que ce ne soit pas récurrent. Par nature, ça ne peut pas être autre chose qu’un moment conjoncturel. » D’où le besoin d’actions structurelles (comme l’arrachage à Bordeaux, l’arrachage différé en Côtes du Rhône…). « J’aurai beaucoup de mal à revenir l’année prochaine avec une demande distillation » confirme Jérôme Bauer, soulignant que « la distillation, c’est perfuser une jambe de bois. Il faut aller à la source du problème. »
Actuellement doté de 160 millions € (en deux vagues : au printemps et à l'automne 2023), le dispositif de distillation de crise devrait être augmenté de 40 millions € issus des fonds d'urgence de l'Union Européenne (le ministre de l'Agriculture se montre confiant sur cette possibilité). Doté de 145 millions € en 2020 (plus 10 millions € pour les distillateurs), la précédente distillation de crise avait retiré 2,6 millions hl du marché.
* : Les Vins de France pointent sur cette période à 75 €/hl en rouge (-11 %) et 72 €/hl en rosé (-18 %).
** : Si Bordeaux ne publie plus de cours, les Côtes du Rhône rouges affichent un prix moyen de 135 €/hl en janvier 2023 pour le millésime 2022 (et 85 €/hl pour un rouge millésime 2021).