Il faut travailler de manière plus précise le marketing d’engagement qui a le double avantage de travailler l’e-reputation d’une marque et la fidélisation client. Le casting est la clé du succès : il en est (enfin) fini des « pseudo-influenceurs » sans compétence et sans expertise, l’influence tend à se préciser en sélectionnant des prescripteurs professionnels qui ont l’avantage d’être experts dans leurs métiers, donc d’apporter une caution plus solide vers leurs communautés et par effet boomerang de soigner l’image de la marque recommandée.
La tactique est d’aller chercher des affinités et du lien construit avec le B to B attendu (comme les sommeliers ou les cavistes), mais aussi avec un B to B connexe en repérant des professionnels partageant les valeurs de la marque (artisans, experts en biodiversité, producteurs de produits sourcés…).
Pour ce faire, deux conseils. Premièrement jouer avec LinkedIn qui est sans contexte le réseau à privilégier pour mailler l’expertise professionnelle. Deuxièmement, engager un lien sincère et suivi avec une stratégie axée sur la rencontre expérientielle avec les prescripteurs professionnels pour qu’ils deviennent naturellement ambassadeurs de marque.
En bref 2023, sera l’année des « influenceurs-prescripteurs ».
Ce qui me semble important, c’est d’être en mode prospectif : essayer d’écouter les signaux faibles pour voir ce que l’on peut en faire. Par exemple la question du sans-alcool. J’entendais à la radio que la frontière entre les vins, les bières et les cidres n’existait plus pour certains consommateurs : le schéma de filières séparées peut être révisé. Des vignerons et caves coopératives ne l’ont pas attendu et produisent déjà de la bière. Il faut être attentif aux tendances pour repérer les marges de manœuvre : il ne faut pas se flageller, il y a forcément des choses à faire. On ne ressuscitera pas nos vieux consommateurs quotidiens mais Le vin n’est pas une cause perdue, on voit que des jeunes s’y intéressent : il faut bosser et faire valoir les spécificités du vin. Poursuivre les efforts faits pendant la crise sanitaire en matière de « proximité digitale » par exemple.
Une tendance qui paraît préoccupante en France est l’évolution de la restauration. L’activité des restaurants a retrouvé en 2022 l’activité de 2019, mais au profit de la restauration rapide et des livraisons à domicile. Des modes de restauration où le vin n’est pas à l’aise. Si l’on considère que la Consommation Hors Domicile (CHD) représente un quart à un tiers des ventes de vin en France, c’est problématique. Le sujet de la CHD reste mal connu, comme il y a peu d’outils de suivi, mais il y a une tendance lourde au changement. La nouvelle donne des repas consommés debout ou livrés demande d’identifier les produits adaptés et les discours pour les porter. Individuellement et collectivement. Est-ce que la canette peut être une solution ? Est-ce qu’il faut travailler autrement avec la restauration ? La relation entre le vin et les restaurateurs a toujours été "je t’aime, moi non plus"… Aujourd’hui, on sert mieux la bière que le vin en restauration à table : la réussite des brasseurs ne s’est pas faite toute seule. Pour progresser dans le service du vin, la filière doit s’organiser sur un circuit où elle est légitime et proposer de nouveaux modes de consommation. L’enjeu est collectif : que veut dire la filière ?
Adapter et adopter sa stratégie tarifaire par Magalie Dubois, enseignante-chercheuse en marketing et économie du vin à la Burgundy School of Business (Dijon).
Le prix des vins est déterminé par deux aspects : les cours des vins (vracs, moûts, vendange, prix du foncier…) et les coûts de productions (matières sèches, phtos, énergie, salaires, loyers, transport…). Une résolution pour 2023 ? Repenser la stratégie tarifaire.
Les coûts de productions vont assurément augmenter en 2023. La stratégie tarifaire doit être repensée pour s'adapter si ce n'est pas déjà le cas aux différents réseaux commerciaux en impactant les évolutions tarifaires et en préservant les marges.
Cette stratégie se décline en adaptant sa politique de marge à chaque réseau : maximiser la contribution pour ceux qui sont capables d’intégrer les hausses (export essentiellement) et accepter de rogner sur la rentabilité dans les réseaux les plus rétifs comme la grande distribution. Dans le même temps, il faut prévoir des quotas-volumes par type de réseau en fonction des marges attendues afin de sanctuariser la masse de marge de l’opérateur.
Cette approche de la stratégie tarifaire doit être accompagnée par la mise en place ou le développement d'une communication sur les réseaux sociaux dédiée aux canaux de distribution utilisés, le développement d'un marketing éco-responsable (importance du faire- savoir) la mise en place ou le développement de produits à label agro-environnementaux valorisables selon les marchés ciblés.
Par ailleurs, il semble important de réfléchir à une démarche de comptabilité analytique et de rationalisation des coûts : limiter les conditionnements, rationnaliser les packagings, trouver de nouveaux fournisseurs pour certaines matières sèches, faire des économies d’échelles...
Ne pas "vendre que du rêve" pour le professeur Hervé Hannin, directeur de la chaire vigne et vin de l’Institut Agro Montpellier.
Il me semble que la relation-client sur la base d'informations claires sur les pratiques, sur les techniques et les apports de la science pourrait être prioritaire. Vendre du rêve est souvent bénéfique, mais n'exclut pas de diffuser de telles informations, et à l'inverse entretenir les consommateurs dans l'ignorance pourrait même se révéler dangereux... On va aller vers de plus en plus de technicité pour affronter le changement climatique, trouver des alternatives aux produits phytos ; ce qui va complexifier les process, y ajouter de la science (et accroître les difficultés de recrutement). Ce sera compliqué de vendre l’image d’Épinal du vigneron en chapeau de paille qui produit son vin de manière totalement "naturelle".
On a sans doute oublié le consommateur et on l’a un peu endormi, au risque de créer quelques dissonances cognitives (par exemple quand un consommateur passe à côté d’une cave coopérative et ne comprend pas qu'elle ressemble à une laiterie avec toutes ses cuves inox...). La filière pourrait gagner à se réconcilier avec le consommateur, en lui montrant des choses censées qu'il pourra comprendre sur les évolutions technologiques et surtout les besoins à leur origine.
"Se pencher sur le fichier client" par Jérémy Arnaud, fondateur de Terroir Manager.
Et si en ce début d'année 2023 les vignerons se penchaient sur leur fichier client ? En effet, force est de constater que celui-ci n'est pas forcément à jour et/ou utilisé comme il le devrait pour éclairer la gestion et le développement commercial et marketing de leur entreprise. Or, savoir ce que pèse et rapporte chaque type ou groupe de clients est stratégique.
La bonne résolution pourrait donc être la mise en place de certains indicateurs pour ne pas décliner à cause d'une certaine clientèle mais pour se maintenir voire se développer grâce à une autre, plus profitable et garante d'avenir.
Parmi les indicateurs de tendance, il y a le "Customer Lifetime Value" (CLV), lequel permet d'établir puis de suivre le profit moyen généré par un client, non pas sur une transaction, mais tout au long de sa relation avec l'entreprise. Ses implications possibles sont nombreuses comme le fait d'arrêter, diminuer ou développer certaines offres, de prioriser l'augmentation du panier ou de la fréquence d'achat sur certains segments de clientèle, d'automatiser la relation avec les clients les moins rentables ou au contraire de la rendre unique avec les meilleurs d'entre eux.
Or, aujourd'hui, bon nombre de vignerons français ne sont pas suffisamment rentables en raison de leurs clientèles principales, souvent historiques, ont dû mal à optimiser le potentiel d'achat de leur clientèle existante et n'ont pas de réelle stratégie pour conquérir de nouvelles clientèles.
"Penser consommateur" pour Fabrice Chaudier, consultant et coach à Bordeaux.
La bonne résolution, c’est de toujours penser au consommateur : ce qu’il peut penser et comprendre de tout ce qui est dit et transmis sur ses vins. C’est un paradoxe très fort : quand un metteur en marché est face à un consommateur, il n’y a dans la grande majorité des cas pas de problème : le consommateur apprécie le vin, son positionnement prix, son marketing, son moment de consommation… Il y a massivement une validation et un achat. Mis face à un acheteur professionnel, le même produit devient inadapté dans son goût, trop cher pour son prix, remis en question dans son marketing…
Pour bien vendre, il faut prendre à témoin le consommateur : ce qu’il en dit. Plus le metteur en marché est sûr de la force de son vin pour séduire le consommateur, plus il est légitime face à un acheteur intermédiaire. Souvent les vignerons sont démunis face à un acheteur professionnel et ont du mal à résister à la pression d’achat sur les prix. Le travail est de se renforcer sur son discours, son prix et sa capacité à séduire. Si l’on en doute, il faut se remettre en question et évoluer. Si l’on en est sûr, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Pensons au consommateur dans la filière, il est trop souvent absent. Ou on le fait parler sans savoir ce qu’il veut.