n Corse, le sciaccarellu est très sujet au flétrissement. Depuis 2020, le Centre de recherche viti-vinicole insulaire (CRVI) de Corse étudie des solutions à ce problème qui s’aggrave avec le réchauffement climatique. Parmi ces pistes, on trouve le recours aux filets d’ombrage. « Nous testons aussi le paillage du rang, la réduction de la surface foliaire, le port libre retombant et la taille tardive, exposent Gilles Salva et Amélie Lambert, responsables de ces essais. Ce sont les filets qui donnent les meilleurs résultats. La température ne baisse que de 1 à 2 °C sous leur ombre. Mais cela suffit à réduire le flétrissement. »
En 2020, le taux de flétrissement des baies n'était que de 35 % sous les filets, contre près de 70 % dans le témoin. « Nous avons récolté 2,7 kg par cep sous filet contre 2,3 kg dans le témoin », précise Gilles Salva. En 2021, il y a eu 10 % de grappes flétries sous filet contre 35 % dans le témoin. Cette année, avec des chaleurs moins intenses en Corse que sur le continent, le flétrissement a été de 3 % sous filet contre 13 % dans le témoin.
L’essai a lieu sur une parcelle du Domaine Alzipratu, à Zilia. Les filets sont de MDB Texinov. Déroulés fin juin, ils coiffent chaque rang pour redescendre des deux côtés. En plus de préserver le rendement, ils retardent la maturité qui, du coup, se déroule à une période où l'amplitude thermique est plus favorable à la qualité. Dernière observation : il y a un peu plus d'azote dans les moûts et un peu moins de polyphénols. « Cette année, nous avons réalisé des microvinifications pour voir l'impact sur les vins », indique Gilles Salva.
Au domaine expérimental de Piolenc, la chambre d'agriculture du Vaucluse teste les filets sur du grenache, en vue de retarder sa maturité. Ces filets de Filpack sont déroulés après la floraison sur les deux côtés du rang. « Par rapport au témoin, nous observons un retard de maturité de quatre à neuf jours avec un filet à 50 % d'ombrage et de onze jours avec un filet à 70 % », précise Silvère Devèze, qui suit ces essais.
Là aussi, la baisse de température sous filet n'est que de 1 à 2 °C. Mais cela suffit à améliorer le confort hydrique des vignes. « Sur cette parcelle irriguée, nous pilotons les apports d'eau de manière à rester au même niveau de stress hydrique sous filet et dans le témoin. En 2021, nous avons ainsi pu réduire ces apports d'un quart avec 30 % d'ombrage et de trois quarts avec 70 % », détaille-t-il.
Avec des papiers hydrosensibles, il a vérifié que les traitements sont aussi bien appliqués au travers du filet que dans le témoin. Les rendements sont eux aussi équivalents. « Dans les moûts, nous observons une perte d'intensité colorante. L'acidité est un peu plus élevée. Mais, à la dégustation, les vins issus des modalités sous filet sont autant appréciés que les témoins. »
Dans le Var, la chambre d'agriculture teste l'ombrage sur grenache chez deux vignerons, avec un filet Filpack qui réduit l'éclairement de 50 %. « Dans ces parcelles non irriguées, nous mesurons le stress hydrique avec une chambre à pression. En 2021, il était moindre sous filet. La croissance des apex s'est poursuivie plus longtemps. Et, au moment de la maturation, la mesure du delta C13 a mis en évidence un meilleur confort hydrique, le témoin présentant par ailleurs un peu plus de feuilles desséchées », relève Audrey Chaix-Bryan.
Sous filet, la maturité a été retardée de cinq à sept jours. Aucune différence n'a été observée au niveau du rendement, de la couleur des rosés ou encore de la vigueur, évaluée par la pesée des bois à la taille. En revanche, les filets ont permis de supprimer le relevage. « Nous en installons un de chaque côté du rang, en laissant la végétation libre de pousser en haut. Elle est ainsi guidée par ces filets. Lorsque ceux-ci sont déroulés tôt, avant floraison ou après nouaison, il n'est plus nécessaire de relever », ajoute la conseillère viticole. Un avantage à ajouter au retardement de la maturité et à la réduction du stress hydrique, qui pourraient justifier d'investir 8 000 à 10 000 €/ha dans les filets, ceux-ci permettant par ailleurs de protéger les vignes de la grêle.