’UFC Que Choisir souhaite une bonne foire aux vins d’automne à tous les producteurs de Bordeaux. Daté d’octobre, son dernier numéro consacre 8 pages à « la grande foire des fraudes », avec une enquête « dans les coulisses de la filière viticole. Un monde opaque qui cache de lourds secrets. » Mouillages, coupages et autres falsifications sont passés en revue avec l'évocation d'affaires venant de Bourgogne (deux sont citées) et, surtout, de Bordeaux (dix dossiers évoqués). Parmi les affaires judiciaires ayant animé les tribunaux de Bordeaux et de Libourne ces dernières années, que choisir ?
L’UFC opte pour une liste à la Prévert, de l’attaque pour dénigrement remportée par le Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB) contre les commentaires d’analyses de résidus phytos de la figure antipesticides Valérie Murat (qui doit régler 125 000 € pour se porter en appel) aux condamnations du vigneron Hervé Grandeau (l'amenant à quitter la présidence de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, FGVB), en passant par les arrêts contre les Grands Vins de Gironde (GVG) et contre Vincent Lataste (allant en cassation). Sans oublier le dossier, à l’arrêt, des fraudes de la négociante Yanka Ferrer (révélé par Vitisphere et non la Confédération Paysanne comme le rapporte l’UFC Que Choisir*), mais aussi un récent démantèlement de fraudes aux vins d'Espagne dans le Médoc et même l’historique affaire à chausse-trappe Robert Geens… S’il manque les tribulations judiciaires du classement 2012 des grands crus de Saint-Émilion ou les rebondissements des Crus Bourgeois du Médoc, les marques domaniales sont bien citées avec l'exemple du Bordeaux de Maucaillou. Un vrai menu maxi best of...
Copieux, ce recueil d'affaires connues décape le lustre des vins de Bordeaux. Ce qui n'est pas une première pour Que choisir. De quoi alimenter les récriminations des opérateurs bordelais, qui se plaignent souvent d'être le centre de toutes les mauvaises intentions médiatico-judiciaires. Ces dernières se focalisant rapidement sur le premier département viticole national, quand les autres vins français seraient moins souvent visés. Ayant défrayé la chronique, les affaires Raphaël Michel en vallée du Rhône ou Jean Albrecht en Alsace dissipent cependant cette odeur de souffre-douleur. Pour Bordeaux, ces « procès à répétition [sont] relatés fidèlement par le journal Sud-Ouest – alors que dans d’autres régions la presse est moins attentive » juge pour sa part le consultant Franck Dubourdieu dans une récente tribune. De son côté, le service bordelais de la Répression des Fraudes a toujours indiqué ne pas être plus intransigeant en Gironde qu'ailleurs.


S’il n’y a pas de grandes révélations dans le dossier Que choisir, des allusions lui donnent une autre dimension. « Les fraudes dévoilées ces dernières années sont-elles l’arbre qui cache une forêt de trafics ? » posent les journalistes Arnaud de Blauwe et Pascale Barlet, qui s’appuient sur des échanges avec l’ancienne présidente de la quatrième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, Caroline Baret, qui est désormais retraitée et estime, sans doute d’après l’ampleur des dossiers qu’elle a vu passer, qu'« à [son] avis, environ 40 % du vin de Bordeaux est mélangé ». Autre sous-entendu sans fondement, celui de conflits d’intérêts dans la filière vins. Dans une pirouette, les journalistes rapportent qu’« après plusieurs mois d’enquête, nous avons le sentiment d’avoir seulement effleuré le sujet. Il mériterait que l’on noue d’autres contacts, que l’on approfondisse les recherches… Et que l’on vérifie, aussi, ces affirmations selon lesquelles certaines personnes haut placées se trouveraient en plein conflit d’intérêts. »
Déconstruisant l’image d’Épinal de la filière vin, le dossier conclut que « cette opacité du secteur reste ignorée du consommateur. Dans les rayons, le prix n’étant pas un indicateur de qualité fiable, le client ne se fie qu’à l’étiquette collée sur la bouteille pour faire son choix. Or, tout comme l’habit ne fait pas le moine, l’étiquette ne fait pas le vin. » L’UFC Que Choisir souhaite une bonne foire aux vins d’automne à tous les producteurs de Bordeaux.
* : Autre approximation, le millésime 2022 aurait subi de « fortes pluies abattues sur les exploitations pendant l’été, favorisant des maladies comme le mildiou ». Alors que l’été aura été particulièrement sec, réduisant à portion congrue la pression sanitaire, mais accentuant le stress hydrique du printemps (avec des pertes de rendements pouvant être conséquentes à Bordeaux, dans le Midi, en Vallée du Rhône...).