i une ombre planait ce 30 juin sur la sixième chambre de la cour d’appel de Bordeaux, c’était celle d’un Dourthe, Pascal qui est à la tête des Notables de Maucaillou qui sont poursuivis, mais pas celle d’un doute, la juridiction ayant confirmé sans nuance la condamnation en première instance de la marque "le Bordeaux de Maucaillou" pour pratique commerciale trompeuse. Issu depuis 2013* à 55 % du château de Beau Rivage (propriété de Pascal Dourthe) et à 45 % d’achats de vins en vrac (ensuite élevés dans un chai à Baurech), le vin rouge en question affichant sur ses étiquettes « la même présentation que celui des vins issus de la propriété [château de Maucaillou] : charte graphique, présentation, agencement visuel, typographie, taille de caractères mettant en avant le nom de Maucaillou ».
Réduisant de 200 à 150 000 euros la condamnation Notables de Maucaillou et de 20 à 10 000 € l’amende de Pascal Dourthe, le jugement d’appel indique que « les différents éléments visuels graphiques et textuels induisaient le consommateur moyen à penser acheter un vin issu des vignes de la propriété Maucaillou, en l’absence de mentions explicites "négociants" ou "vin de négoce" ou encore en précisant le nom des propriétés tierces dont les vins ont été assemblés ». Épinglant dans son jugement une ambiguïté cultivée sciemment, la cour d’appel en veut pour preuve la différence de succès commercial entre la marque Bordeaux de Maucaillou qui se vendait à 650 000 bouteilles pour 2,3 millions € en 2015-2016 et le "B par Maucaillou" qui a eu du mal à se vendre et a conduit à un excédent de 200 000 cols : « cet effondrement démontre l’impact que l’étiquette "le Bordeaux de Maucaillou" revêtait sur le comportement économique du consommateur moyen, dont l’altération était substantielle ».
Première marque domaniale condamnée au tribunal judiciaire de Bordeaux le 12 décembre 2019, le Bordeaux de Maucaillou inaugure le passage en appel de cette saga juridique. Suivront les marques Bordeaux de Larrivet Haut-Brion, Bordeaux de Citran, Bordeaux de Gloria, Bordeaux de By… En attendant la suite, le professeur Ronan Raffray, qui dirige le Master de droit de la vigne et du vin de l’université de Bordeaux estime qu’il s’agit avec ce nouvel arrêt Maucaillou d’une décision « importante », mais qui « n’est pas surprenante, car elle confirme que qui avait été dit dans le jugement de première instance, et constate l’émergence d’un consommateur "vraiment" moyen, dont l’on n’exagère pas les connaissances et sur qui ne pèse pas un devoir excessif de vérification. » Préparant une analyse complète pour le site spécialisé OpenWineLaw, le professeur de droit privé note qu’« il ressort de l’arrêt que l’impression globale produite sur le consommateur est trop ambigüe. Je partage cet avis. » Pour l’expert, « il est notable que l’arrêt éclaire un point de droit qui posait un problème : fallait-il considérer que le consommateur devait connaître l’exploitation pour qu’il puisse être trompé ? Très clairement, la Cour écarte cet argument et considère qu’il importe peu que le consommateur ait une connaissance exacte de l’exploitation. Effectivement, il peut être envisagé que ce qui soit déterminant c’est que le consommateur pense être face à un vin d’exploitation, même s’il ne connaît pas l’exploitation. »
« Un apport majeur de l’arrêt est d’avoir insisté sur les connaissances du consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé. Il ne faut pas oublier que ces textes protègent le consommateur, et que le consommateur moyen de vin a des connaissances modestes » poursuit professeur Ronan Raffray, ajoutant que pour la Cour, « si l’on exige de lui des investigations, cela ferait de lui un consommateur particulièrement avisé, et je trouve cette motivation très pertinente. »
* : Jusqu’au millésime 2012, la marque s’approvisionnait en vins rouges à 100 % sur les vignobles du château Bel Air. La déclinaison en vin blanc de la marque est à 100 % issu d’achats extérieurs.