Bien sûr que je vais faire appel, j’aurais dû être relaxé ! Par rapport aux faits, ma condamnation pour risques de tromperie est plus forte que celle pour fraudes de Hervé Grandeau » s’emporte Pascal Dourthe, le copropriétaire du château Maucaillou (92 hectares en AOC Moulis-en-Médoc) et président du négoce les Notables de Maucaillou (fondé en 1985). Condamné ce 12 décembre au Tribunal de Grande Instance de Bordeaux pour pratiques commerciales trompeuses avec la marque de négoce "le Bordeaux de Maucaillou", le consommateur moyen ne pouvant distinguer les vins provenant du château Maucaillou de ceux n'en provenant pas..
Pascal Dourthe n’en revient toujours pas de ses condamnations : 20 000 euros d’amende à titre de gérant (dont 10 000 € avec sursis) et 200 000 € pour son négoce (sans compter les parties civiles, voir encadré). « C’est une amende énorme pour la structure. Je suis révolté par ma peine. On m’a condamné alors que ma marque n’est pas domaniale. Elle n’est pas rattachée à un domaine, c’est une marque commerciale qui n’a jamais connu de reproche depuis 15 ans » clame-t-il.
Alors que l’issue du jugement Maucaillou alimente déjà les craintes dans le négoce bordelais, sa jurisprudence est déjà analysée par les spécialistes du droit des vins. Avec une vision du dossier sensiblement différente de celle de Pascal Dourthe. « C’est une décision assez logique, qui va inciter tout le monde à la plus grande prudence » examine ainsi le professeur Ronan Raffray, le directeur du master 2 de droit de la vigne et de vin de la faculté de droit de Bordeaux. Pour qui ce jugement « ne condamne pas toutes les pratiques s'appuyant sur une marque domaniale forte pour valoriser un vin de négoce. Il faut cependant trouver un nouveau modèle à Bordeaux pour faire coexister ce mode de valorisation et une information appropriée du consommateur moyen, qui est le personnage clé de ce contentieux. Il faudra être ingénieux pour trouver un pont entre la marque de château et la logique de maison sans fragiliser le principe même de la marque domaniale. »


« Ce n’est pas une condamnation des vins de négoce, mais un appel à rectifier le tir en prenant en compte les autres jugements de marques similaires qui tracent une feuille de route des pratiques à proscrire (Ronan by Clinet et Petrus Lambertini) » confirme Céline Baillet, qui dirige le cabinet Inlex Bordeaux de Conseil en Propriété Industrielle. La juriste ajoutant que « la marque Maucaillou a commis de nombreuses maladresses en reprenant le même château sur ses étiquettes et en ne contrôlant pas sa communication ».
Prenant note de la nécessité de modifier à nouveau ses étiquettes, Pascal Dourthe estime que le tribunal l’a chargé en amont du jugement d’autres dossiers de marques domaniales plus importantes. « Je me vois comme un petit poisson pilote » estime-t-il, soulignant que les vins de négoce appuient le développement économique de toute la filière bordelaise. « Je veux être blanchi, il n’y a pas eu de démarche trompeuse. Je suis persuadé de faire plaisir aux consommateurs en proposant une belle bouteille à un prix imbattable que je signe » estime-t-il. Ajoutant que « les gens s’imaginent que les châtelains de Bordeaux sont des nantis alors que l’on se bat pour pousser vers le haut de petites appellations. Il faut arrêter de faire croire que tous les propriétaires du Médoc roulent en Rolls Royce ou vivent à Paris dans des tours de cristal… »
Ayant dix jours pour interjeter appel, Pascal Dourthe défend également son droit à utiliser le terme Maucaillou alors qu’il ne peut déposer de marque comportant le terme Dourthe. « Suite à la vente du groupe Dourthe dans les années 1980, ma famille a perdu le droit d’utiliser son patronyme. Laissez-moi Maucaillou c’est ma signature. Je n’ai plus le droit d’utiliser mon nom » conclut-il.
Ne digérant pas que l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) et la Confédération Paysanne aient été reconnus parties civiles dans sa condamnation (recevant 2 000 euros chacune, aux côtés de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux qui reçoit un euro symbolique), Pascal Dourthe répond aux interrogations du tribunal correctionnel sur l’absence de constitution dans l’affaire du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « Alors président du syndicat de l’AOC Bordeaux et Bordeaux supérieurs, Bernard Farges a signé un courrier où il considère que les marques commerciales sérieuses permettent de faire connaître Bordeaux. Maintenant qu’il est président du CIVB, il ne va pas désavouer sa position d’il y a un an. La juge s’est offusquée de l’absence du CIVB, mais c’est normal » rapporte Pascal Dourthe.