n l’état, la marque collective "Bordeaux" ne peut être déposée par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) juge ce 23 mars l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO). Si cette décision n’est pas motivée sur les sites de l’EUIPO et TMDM, ce rejet était couru d’avance pour les experts du droit international des marques. « C’est une décision sans surprise. On était dans une trajectoire de collision frontale avec les réglementations AOP : ça relève plus de l’astronomie que du droit » analyse l’avocat Théodore Georgopoulos, qui préside l’Association Internationale des Juristes du Droit de la Vigne et du Vin (AIDV).
« Il y a plusieurs fondements juridiques possibles pour expliquer ce refus » précise Jean-Baptiste Thial de Bordenave, le directeur de DLLP Wine (DLLP Avocats), qui juge surprenant de voir que la marque collective était strictement identique à l’AOC "Bordeaux" et ne comportait aucun élément distinctif comme un logo (comme le cep de vigne de la Rioja ou le coq du Chianti Classico). « On pouvait alors légitimement s’interroger sur l’objectif poursuivi au regard de la législation existante en matière d’appellation d’origine, qui ne peut être remplacée par un autre système de protection » pointe l'expert, notant qu'« ensuite, il semble que l’enregistrement en classe 33 désignait uniquement dans son libellé des "vins", sans préciser qu’il ne pouvait s’agir que de vins provenant de l’AOC Bordeaux. Or, ce détail permet à lui seul d’entraîner potentiellement un refus d’enregistrement. »
Inédit dans le vignoble français, le dépôt d’une marque collective est déjà pratiqué en Europe : avec la Rioja depuis 2008 en Espagne et Chianti Classico depuis 2014 en Italie. « De manière générale, des marques collectives permettent d’avoir un outil de communication (avec un logo partagé et protégé) et d’avoir une base juridique supplémentaire à l’appellation d’origine (sans pollution ni nuisance) » indique maître Théodore Georgopoulos. Alors que le rôle de l’EUIPO dans le futur des indications géographiques européennes fait débat, « il ne faut pas que la marque se substitue à l’AOP. Il s’agit de bases juridiques complémentaires, mais non substituables » note le maître de conférences de l’université de Reims.
Contacté, l’EUIPO précise ne pas pouvoir commenter de cas individuel. Sollicité, le CIVB ne souhaite pas commenter, ni préciser s’il compte faire appel. Défendant les AOP, l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) précise ne pas s’être saisi du dossier, comme « la procédure d’observation de la demande d’enregistrement de la marque Bordeaux à l’EUIPO n’était pas encore ouverte, car elle était toujours au stade de l’examen par l’EUIPO qui vient, le 23 mars 2022, de rejeter d’office la marque au titre des motifs absolus de rejet (atteinte à la protection d’une Indication Géographique). »