ancée dans le cadre de la stratégie de la ferme à la fourchette (Farm To Work), l'idée de transférer la gestion des Indications Géographiques (IG) de la Commission Européenne à l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) suscite de vives inquiétudes dans la filière vin. Cette sous-traitance à une agence décentralisée de l’Union Européenne, qui gère notamment l’enregistrement des marques de l’UE, fait craindre au vignoble une orientation inspirée du modèle américain, non conforme aux valeurs portées par les IG. « On ne peut avoir une vision claire sur cet impact, tant qu’on n’a pas vu de quoi il s’agit. On peut en effet être réservé, voire négatif, si la question des appellations sont traitées comme des marques, par des membres de l’EUIPO "imprégnés" par la culture des marques » rappelle le professeur Théodore Georgopoulos, directeur du programme vin & droit de la chaire Jean Monnet (Reims).
Une inquiétude partagée dans une récente tribune d'instances européennes vitivinicoles et agroalimentaires, rappelant en exergue l’importance de prendre en compte le fait que les cahiers des charges IG comprennent de plus en plus de dispositions qui vont au-delà de la protection du nom.
Si cette conception de la protection de marques ne séduit pas le vignoble européen, le glissement progressif de la jurisprudence communautaire en matière d’AOP/IGP sous le prisme de l’appréhension des marques s’est cependant avéré bénéfique, comme l’a montré l’arrêt sur la marque champanillo de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) rendu le 9 septembre 2021. Une décision signant un tournant dans la protection des vins d’appellation d’origine mais, comme le souligne Théodore Georgopoulos, « il s’agit surtout de cas circonstanciés ».
Le directeur du Pôle Vin, Spiritueux & Terroirs du Cabinet Casalonga ajoutant que « sur le long terme, cela privera l’appellation de sa spécificité, en tant que vecteur d’une identité propre. Si, en revanche, l’EUIPO se dote d’un personnel ayant une connaissance approfondie des questions d’appellations et surtout qui est "exposé" à la culture de l’appellation d’origine, l’évolution pourra contribuer à une meilleure application du droit des appellations, ainsi qu’à une meilleure réactivité concernant, par exemple, la surveillance des appellations dans des pays tiers. »