ppels en écho. Un appel aux dons de 125 000 euros est lancé par l’association antiphyto Alerte aux Toxiques, AAT, et de sa porte-parole, Valérie Murat ; afin de porter en appel leurs condamnations pour « dénigrement des vins de Bordeaux », suite à la publication d’analyses de résidus pesticides dans 22 cuvées certifiées Haute Valeur Environnementale (HVE) liées à des figures du vignoble (syndicales notamment). Ce 10 novembre, la première chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux juge que la procédure d'appel est conditionnée au règlement intégral des 125 000 euros de dommages et intérêts arrêtés par le tribunal de Libourne. La cour valide la demande de radiation de l’appel* déposée par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) et 25 autres intimés (syndicats viticoles, domaines et négoce), qui reprochent à AAT et Valérie Murat le défaut de paiement intégral de leur condamnation (à exécution provisoire). L’association et sa porte-parole versant 800 €/mois depuis ce 15 avril aux plaignants.
« La décision exécutoire de Libourne est maintenant assortie d’une somme exorbitante qui vaut caution de droit d’appel. C’est gravissime. Ils cherchent à me faire vendre le patrimoine familial de mon défunt père, mort à cause des pesticides, à savoir la maison où vit ma mère » déclare Valérie Murat, tenant une conférence de presse devant le siège du CIVB après l’annonce du verdict. Si la juridiction note dans sa décision « les modestes revenus » déclarés par l'activiste, il souligne que « les éléments fournis par le CIVB établissent qu’elle dispose aussi d’un patrimoine immobilier et viticole (environ 5 ha) ». Pour la chambre civile, Valérie Murat « n’établit pas qu’elle serait dans l’impossibilité de régler les causes du jugement ou que ce règlement aurait des conséquences manifestement excessives » comme elle « possède des biens immobiliers susceptibles d’être vendus et/ou affectés en garantie d’un prêt bancaire de nature à régler cette condamnation ».
Faisant face à une sommation de payer à court terme, la militante indique que l’association AAT va lancer une cagnotte en ligne pour régler cette somme. « C’est un soutien pour une condamnation, ce qui est légal » précise Valérie Murat, se disant confiante dans la capacité à récolter ces fonds dans les délais (qui n’ont pas pu être précisés à date de publication). Dénonçant un « procès bâillon », l’activiste estime que cette attaque judiciaire la vise personnellement. Selon elle les instances bordelaises veulent la « faire taire. Elles n’y arriveront pas. Au contraire, ça décuple mon envie de militer » prévient Valérie Murat, dénonçant « une atteinte au droit de critiquer et à la liberté d’expression ».


Contacté, le CIVB ne souhaite pas communiquer sur ce dossier judiciaire. Lors d’une réunion de terrain ce 3 novembre, des porte-paroles de l’interprofession rappelaient cependant leur vision de cette affaire, radicalement opposée à celle de Valérie Murat. « On est dans ce combat : on a le droit de dire que l’on n’aime pas le goût de Bordeaux, mais dire que boire du Bordeaux c’est mortel, on n’a pas le droit de le dire. La meilleure preuve, c’est que celle qui l’a dit a été condamnée pour ça » explique la semaine dernière Christophe Château, le directeur de la communication du CIVB, rappelant que l’interprofession avait tenté de travailler avec Valérie Murat, sans résultats.
« Ce qui est condamné, c’est la façon de dire les choses : "boire du vin de Bordeaux, tu risques ta vie", "les vins de Bordeaux contiennent des poisons"… C’est ça qui a été condamné, le fait de dire les choses en dénigrant l’ensemble de la filière » indique pour sa part Fabien Bova, le directeur du CIVB, la semaine dernière à Beychac, qui regrette que la presse retienne « une condamnation parce que l’on a publié des résultats, ce qui est faux, et le combat HVE/bio, alors que ce n’est pas ce qui a été porté devant le juge. [Le dénigrement,] ce n’est pas de publier des résultats. Le sujet, c’est ce que l’on en a tiré. Avec des hashtags épouvantables qui jettent l’opprobre sur le vin de Bordeaux. C’est ce qui est interdit, il n’est pas interdit de dire ce que l’on pense, de critiquer la HVE… »
« Je n’ai jamais dit que boire du vin de Bordeaux fait mourir, mais que pour produire du vin de Bordeaux on pulvérise des pesticides de synthèse parmi les plus dangereux d’avril à septembre chaque année » balaie Valérie Murat, indiquant que ces propos sont sortis du contexte d’un interview vidéo (qui nest plus publié) où elle expliquait le sens de « toxique : tu peux mourir ». Se définissant comme « le caillou dans la chaussure du CIVB », la militante confirme son désir de faire appel une fois les 125 000 € récoltés.
* : « Il convient de rappeler que la radiation ne met pas fin à l’instance d’appel qui est seulement suspendue jusqu’à la justification de l’exécution du jugement, comme il est dit au dernier alinéa de l’article 524 du code de procédure civile » indique le délibéré.