Les effets d’annonce d’une pratique plus vertueuse comme la certification HVE, "Haute Valeur Environnementale" sont un leurre puisqu'elle n’interdit pas les pesticides de synthèse » pose le dernier communiqué de l’association bordelaise Alerte aux Toxiques*. Mettant en ligne les analyses de résidus de pesticides de 22 cuvées certifiées HVE, le collectif dénonce « 22 bouteilles contiennent perturbateurs endocriniens, 11 au moins un CMR, 9 au moins un SDHI, 4 un neurotoxique, 4 des substances dangereuses pour le fœtus… » égrène Valérie Murat, la porte-parole de l’association bordelaise, qui s’appuie sur un financement participatif de 5 000 euros pour la réalisation de ces analyses (dont la grille de lecture est contestée par le laboratoire qui les a réalisées, voir encadré).
Avec 19 vins de Bordeaux, 2 champagnes et 1 Languedoc, Valérie Murat reconnaît ne pas avoir choisi au hasard ses cibles., « il s’agit principalement de propriétés labellisées HVE et de propriétaires ayant fait des annonces de virages écologiques (pour la majorité à des postes de représentants du vignoble). » On trouve ainsi les propriétés de représentants et membres de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA), des Jeunes Agriculteurs (JA), de syndicats viticoles, de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB)… « Cette association clame protéger le vignoble, mais elle ne cherche qu’à lui nuire. Ces 22 vins respectent la réglementation et il n'y a pas de scandale derrière. Ils n’ont rien à se reprocher. Le reste n’est que de la diffamation » indique un propriétaire ne souhaitant pas voir le nom de son domaine associé à ce qu'il considère être un coup de communication.


Assumant sa volonté de faire l'actualité en cette période de vendanges et de foires aux vins, Valérie Murat explique alerter le grand public sur des réalités qu'il ne maîtrise pas. « Le danger pour le consommateur, qui est peu informé et averti, c’est de croire que la HVE est équivalente au bio, alors qu’il n’y a aucune garantie sur les produits de synthèse. Quand on voit l’image du label HVE et les phrases de risques des pesticides de synthèse que l’on retrouve, on ne peut pas se comparer aux traitements bio et biodynamie » martèle Valérie Murat. Reconnaissant que faute de Limite Maximale de Résidus (LMR) pour les vins il n’est pas possible de relier la présence de ces résidus à une dangerosité, la militante antiphytos répond par « la question de l’exposition de ceux qui ont pulvérisé, des ouvriers dans les vignes, des riverains, des gosses dans les écoles… » Dénonçant des effets d’annonces marketing, Valérie Murat milite pour les certifications bio et biodynamie, qui garantissent l’exclusion des phytos de synthèse.
Dans le vignoble, les réactions que Vitisphere a pu recueillir en cette période de vendanges désamorcent les conclusions d'Alerte aux toxiques. « J’ai regardé les analyses de mon vin rosé et ça prouve deux choses : je n’utilise que des produits homologués et dans des bonnes conditions (avec des résidus inférieurs de 100 à 5 000 fois par rapport aux LMR du raisin de cuve) » estime Jean-Samuel Eynard, le président de la FDSEA, exploitant le château Genibon Blanchereau en Côtes de Bourg. S’attendant à être ciblé, le vigneron estime que ces analyses ne portent « aucun discrédit au label HVE. Leur cheval de bataille c’est halte aux CMR. Je suis d’accord, mais en commençant par ceux qui sont les plus exposés dans la société : le tabac, l’alcool, le super sans plomb, la viande rouge, le sel… La liste peut être longue ! »
« Il faut arrêter d’être hypocrite et ne cibler que la viticulture. Il ne faut pas nous faire porter un chapeau plus grand que nos responsabilités » lance Jean-Samuel Eynard, pour qui c'est à l'Union Européenne d'interdire les pesticides actuellement autorisés s'ils sont dangereux.
* : Fondée en 2016, l’association se donne comme objectifs d’« informer et sensibiliser aux dangers liés à l’utilisation de pesticides de synthèse dans la viticulture ».
L’association « alerte aux toxiques » a communiqué le 15 septembre 2020 sur des analyses de résidus phytosanitaires dans des vins certifiés HVE.
Les laboratoires Dubernet, laboratoire indépendant et professionnel de l’analyse des vins, fournissent des analyses et conseils aux différents acteurs de la filière. L’association « alerte aux toxiques » a ainsi fait appel à une prestation d’analyse dans notre laboratoire. Comme c’est la règle, les données produites appartiennent à « alerte aux toxiques », qui en est la seule dépositaire.
Dans ce contexte, les Laboratoires Dubernet ne sauraient être associés ni aux contenus ni aux conclusions de cette communication. Ils ne sauraient fournir de près ni de loin une quelconque caution scientifique à la démarche de l’association « alerte aux toxiques » , dont il conteste les termes. Nous souhaitons rappeler que l’interprétation d’une analyse de résidus phytosanitaires nécessite une importante expertise à la fois sur la connaissance des molécules ciblées, et du vin en lui-même.
Les concentrations doivent être comparées aux Limites Maximales de Résidus ‘raisin de cuve’ (LMR), qui contrairement à ce qui est écrit, sont applicables aux vins. Les auteurs ignorent probablement que les LMR ne sont règlementairement définies que pour les matières premières agricoles, dont le vin ne fait pas partie. Les LMR sont définies selon des procédures extrêmement longues et rigoureuses par les instances nationales et européennes sur la base de données environnementales et toxicologiques précises. Dénoncer un vin qui contient des teneurs inférieures à la LMR du raisin de cuve et donc se trouve en situation de parfaite légalité, relève de procédés difficiles à défendre. Ce que nous savons et avons publié aux Laboratoires Dubernet (disponible sur www.dubernet.com), c’est que les teneurs en résidus dans les vins, quand nous en trouvons, sont très faibles, toujours très en dessous des LMR (en moyenne de
l’ordre de 0 à 3 % de ce seuil selon les molécules). La situation des vins en France est donc très loin de poser des problèmes vis-à-vis des limites légales. Nous savons aussi qu’en raison des progrès permanents des outils d’analyse, des teneurs autrefois non détectées le sont devenues, alors qu’elles se situent à des seuils infinitésimaux. À quel moment doit-on s’abstenir d’interpréter un résultat analytique relevant de concentrations tellement faibles qu’elles ne signifient plus rien ? C’est ce type de questions que les experts se posent actuellement. Il est donc recommandé la plus grande prudence concernant toute interprétation hâtive des teneurs très faibles, que peuvent porter les analyses de résidus.
On ne peut pas parler de toxicité sans approche quantitative, ni parler des critères de toxicité sans mettre en perspective la signification des informations que cela comporte. Le cuivre par exemple, composé « naturel », porte une toxicité H302 (nocif en cas d’ingestion), H319 (provoque une sévère irritation des yeux), H315 (provoque une irritation cutanée, et H410 (très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme). Malgré ces termes très anxiogènes, cela reste pourtant du cuivre, composé largement utilisé à bon escient, y compris en agriculture biologique.
La culture de la vigne, comme toute culture agricole, doit se défendre de ravageurs redoutables : mildiou, oïdium, eudémis, botrytis, etc… et ce quel que soit le mode de production : conventionnel, bio, HVE. Le projet du bio, défini dans les années 70 vise à se départir de la chimie de synthèse. Nombreux sont ceux qui ont compris que ce logiciel dans son acception stricte, et telle que définie par la réglementation européenne, ne peut porter à lui seul toutes les réponses aux enjeux environnementaux majeurs de notre époque. Le HVE, issu des travaux du Grenelle de l’environnement, offre un arsenal nouveau de mesures environnementales, parmi lesquelles une traçabilité absolue, le nombre et l’efficacité des traitements, l’accent sur la biodiversité de l’environnement immédiat des parcelles de vigne, sur la vie du sol (qui est un enjeu supérieur pour l’environnement souvent trop négligé), etc....
Opposer bio et HVE relève ainsi d’une construction artificielle et hélas contreproductive pour les progrès de l’agro-écologie et l’environnement. C’est inutile. On peut enfin souligner que certains des vins cités dans cette communication sont issus de millésimes plutôt anciens, quand les domaines et château cités n’étaient pas forcément encore certifiés HVE… Former une critique de HVE à partir d’analyses réalisées sur des vins non HVE semble être une méthodologie très contestable.