es gardiens du temple du vin veille, ses marchands n’ont qu’à bien se tenir ! « Le vin, si tu l'aimes vraiment, tu ne le bois jamais avec des glaçons » tance le restaurateur Alexandre Callet (les Écuries de Richelieu, à Rueil Malmaison). Ayant lancé une pétition œnophile à défaut d’être francophile (#respectwine, une trentaine de signatures après une semaine en ligne), sa « campagne mondiale pour bannir les glaçons des verres de vin » compte « promouvoir le respect du vin et le travail des viticulteurs » en luttant contre la « ketchupisation » qui guetterait le vin, « un produit emblématique qu'on ne peut boire avec des glaçons comme un vulgaire soda ». Et pour le centenaire de l’arrivée de la marque Coca-Cola en France, Alexandre Callet estime « le glaçon plus dangereux que Trump pour le vin ».
Une analyse dont la pertinence commerciale risque de laisser froid les opérateurs de la filière. Eux qui montrent leur connaissance de la réalité des marchés en plébiscitant une modernisation du goût des vins rouges, risquent bien de juger datées ces injonctions à la tradition. Un combat d’arrière-garde qui méconnaît visiblement la tendance commerciale du vin utilisé comme matière première de cocktail, avec le développement de produits adaptés à l'ajout de glaçons, des rosés de Mouton Cadet aux champagnes de Moët et Chandon. Une vision certes iconoclaste, en témoigne l’émotion déclenchée par le cocktail Perrier-Sauternes en 2015, mais permettant aux vins de descendre de leur piédestal élitiste et vieillot, qui les coupe des jeunes consommateurs (en témoignent les courts métrages primés par Vin et Société). Cette diversification des moments de consommation ne faisant pas pour autant tomber le vin dans la banalisation, le secret d’un bon cocktail résidant avant tout dans la qualité de ses ingrédients et son appréciation par les consommateurs. Dont l’enseignement pédagogique et non dogmatique reste la clé pour la transmission de la culture d’appréciation du vin.


Vendant 3 500 bouteilles de vins par an dans son établissement (et sans doute aucune canette), Alexandre Callet souligne que « les restaurateurs sont des passeurs. C’est à nous, en premier lieu, de transmettre le travail des vignerons en servant le vin correctement aux clients. […] En plus de la mention "fait maison", la mention "vins servis à température" devrait être mise en avant par les restaurateurs ». Nul doute que les consommateurs qui apprécieront cette indication seront eux-mêmes des gardiens du temple, prêts à en découdre à l’idée que l’on puisse mettre de l’eau dans leur vin. Comme le voulait la tradition des échansons. O tempora, o mores !