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ignerons au Bordeaux désespoir... Ce samedi 12 mai dès 6 heures, les syndicats viticoles visitent cinq magasins Lidl de Gironde en y déposant qui des ceps de vigne et bâches sur les parking, qui des caddies à l’entrée, qui des stickers "Vitiscore E : c’est le prix du mépris de la vie du vigneron". Dans une forme d’union sacrée pour le prix rémunérateur des vins, ces actions éclairs ont été organisées en moins de 24 heures par la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA 33), les Jeunes Agriculteurs (JA 33), la Coordination Rurale (CR33), le Collectif Viti 33 et l’AOC Bordeaux, en réaction à la promotion de la marque Lidl la Croix de Ceyssac à 1,39 € la deuxième bouteille (du 3 au 9 juillet derniers, avec une réduction de 30 % par rapport à la première vendue 1,99 €). « LIDL, le mépris des bonnes choses. Notre vin vaut mieux que ça ! Stop aux prix indécents » alertent les slogans vignerons visant les magasins de Bourg, Coutras, La Réole, Libourne et Saint-André-de-Cubzac.
« Le message est clair : ces enseignes font tout pour détruire la filière » résume Serge Bergeon, le secrétaire général de la FDSEA 33, présent à Libourne avec une dizaine de manifestants. Le viticulteur-éleveur laitier épingle « un affichage mensonger à 1,39 € quand il faudrait prendre la moyenne des deux bouteilles » et s’alarmant d’une spirale sans fin ni fond : « jusqu’où iront-ils pour avoir un produit d’appel ? C’est dramatique. Lidl est le premier distributeur européen, il vit de la misère des gens. » Rares, les manifestations viticoles en Gironde témoignent d’autant plus du ras-le-bol qui bouillonne. Et qui s’exprime ici plus symboliquement que massivement, les vignerons bordelais étant en pleine campagne culturale ou sur les routes pour vendre leurs vins. La goutte d’eau faisant déborder la base syndicale reste une nouvelle promotion si loin des prix de revient bordelais : « en dessous de 4,39 €, vous ne vivez pas » résumait récemment Arthur Gaubey, le conseiller d’entreprise à la Chambre d’Agriculture de Gironde (CA33).
« Quand dans un même rayon le vinaigre est plus cher que les vins, il y a un problème » grince Vincent Collineau, coprésident de la CR33, présent avec une trentaine de manifestants à La Réole. L’entrée du Lidl ayant été bloquée sur la commune, et le magasin n’ouvrant pas, ce groupe est allé visiter les magasins Netto et Intermarché pour sticker d’un "Vitiscore E" « tous les vins non-viables pour leurs producteurs, vendus en dessous de 2,5 € en GD. Ces vins : en dessous d’un prix rémunérateur n’ont pas à être vendus. Il n’y a pas que Lidl, tous les distributeurs et les négociants qui vendent à bas prix sont dans le même lot. Ils sont complices de l’enterrement des viticulteurs. On perd un agriculteur tous les trois jours en Gironde dans l’indifférence générale ! »
Multirécidiviste
Après avoir fait tomber le bordeaux rouge à 1,69 € (en mars 2021) puis 1,89 € (en mars 2024), le bordeaux supérieur à 1,64 € (en septembre 2024) et le bordeaux rosé à 1,19 € la bouteille (du 22 au 28 mai derniers), « LIDL récidive. Et cette fois, c’est encore plus indécent » lance l’appel à rassemblement ce 11 juillet, pointant qu’« après avoir déjà provoqué les viticulteurs avec des promotions inacceptables, l’enseigne franchit un nouveau seuil de mépris en affichant du Bordeaux à 1,39 € ! »
Déchargeant en vrac des bennes de vieilles balles de foin, de paille et de ceps de vigne, affichant et scandant leurs slogans, les manifestants mènent « une action coup de poing brève, sans dégradation, mais sans ambiguïté » pour ses organisateurs. L’objectif étant de manifester la colère sans poursuites judiciaires, après la condamnation ce 9 avril à 500 € d’amende avec sursis d’un vigneron ayant stabiloté des vins à moins de 3 € en mars 2024 chez Lidl et Leclerc (un appel est en cours) et face à la poursuite du négociant Castel Frères exigeant 100 528 euros de réparation à 3 syndicats (FDSEA, JA et collectif Viti 33) après la manifestation devant son siège de Blanquefort (en février 2024).
Grands cris contre petits prix
Stickant des "Vitiscore E" avec 25 manifestant dans les rayons du Lidl de Langon, Didier Cousiney, le porte-parole du collectif Viti 33, note que « pour être porteuse, il faut que l’action permette de discuter avec les clients et responsables de magasins. Les gens ont compris notre détresse. Mais Lidl a déjà prévu les mêmes prix dans sa Foire Aux Vins… » D’où la nécessité d’encadrer les prix d’achat des vins pour la filière bordelaise, clairement unanime. Une union sacrée « sur cet aspect du revenu. Nous mettons nos désaccords de côté, comme sur la loi Dumplomb » pointe Thomas Fonteyreaud, de la Confédération Paysanne de Gironde, qui pointe qu’« à ces prix, on perd de l’argent. La filière devient plus incisive sur le sujet et c’est une très bonne chose. »
Soutenant les demandes bordelaises d’évolution de la loi Egalim (pour intégrer de nouveaux indicateurs adaptés à la valorisation du contrat amont) et de prix recommandés sur le vin en vrac AOP et IGP (article 172 ter de l’OCM vin*), ce coup de pression des manifestations a lieu avant la rencontre de la filière vin avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, ce mardi 15 juillet.
Au-delà de la Gironde, l’été pourrait encore être chaud pour Lidl, une autre promotion ne passant pas dans la filière : la bouteille de vin rosé Pays d’Oc IGP à 1,35 € du 10 juillet au 16 juillet (la première bouteille étant à 2,25 € et la deuxième à -40 %).
'Vitiscore E : c’est le prix du mépris de la vie du vigneron' clame le sticker conçu par le Collectif Viti 33. Photo : Collectif Viti 33.
Parmi les slogans, on lit et entend : « LIDL, les vignerons ne sont pas en soldes. Vos promos, notre tombeau. Le vin, c’est pas de l’eau ! 1,39€ ? Pourquoi pas gratuit pendant qu’on y est ? » Photo : DR.
Les mots d’ordre de la manifestation sont : « derrière les prix LIDL, des vies bradées. Stop à la dévalorisation de nos produits. Le vrai foutage de gueule, c’est chez LIDL. Champion de l’indignité 2025 : prix spécial "mépris viticole". » Photo : DR.
* : Le négoce girondin n’ayant pas suivi le vignoble sur la demande de prix d’orientation sur les vins bio et HVE (article 210 bis de l’OCM vin).
