On fait appel » pose le vigneron bordelais Théo Hernandez, qui conteste sa condamnation ce mercredi 9 avril par la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Libourne (Gironde) à 500 euros d’amendes, intégralement assortis du sursis, « pour avoir dégradé ou détérioré des bouteilles de vins en barrant leurs codes-barres ou en apposant des étiquettes, ayant pour conséquence de rendre ces produits invendables » lors d’opérations de stabilotage par les Jeunes Agriculteurs de Gironde (JA33) des vins à bas prix (moins de 3 €) dans le Leclerc de Saint-Magne-de-Castillon et les Lidl d’Arveyres, de Libourne et de Castillon-la-Bataille.
Une décision de justice symbolique à double titre : si la peine est symbolique (divisant par deux les réquisitions du parquet), la condamnation l’est tout autant pour une action se définissant comme syndicale. Secrétaire général adjoint des Jeunes Agriculteurs de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, Théo Hernandez estime que « si l’on ne fait pas appel, cela veut dire que l’on reconnait être coupable alors que l’on n’a rien fait. C’est important surtout pour nos successeurs. Cela ferait jurisprudence : veut dire si pas appel, veut dire que l’on accepte, se reconnait coupable, alors rien fait. »
Liberté d’expression syndicale
Si le dossier évoque des dégradations coûtant 3 000 € pour Leclerc et 15 000 € pour Lidl, l’absence de leurs avocats n’a pas permis d’avoir leur version des faits (contactées, les enseignes n’ont pas souhaité commenter à date). Pour sa part, le vigneron bordelais refuse fermement le terme de dégradation lors de cette opération syndicale et non individuelle. Assurée par maîtres Roberto Illan et Alan Roy (cabinet Avity), sa défense portait en audience sur un combat légitime et pacifique sans détériorations prouvées par d’autres pièces que celles produites par les plaignants. « Les opérations de stickage n’ont pas constitué de dégradation » explique à Vitisphere maître Alan Roy, pour qui « le tribunal n’a pas pris en compte que les bouteilles demeurent recommercialisables. Cela reste une opération de stickage. En sanctionnant ce mode d’expression, on a un tribunal qui manque de reconnaître les actions syndicales. Même si la peine est symbolique, sa portée est préoccupante. » Il s’agit pour Théo Hernandez de défendre la liberté d’expression syndicale et d’éviter tout effet dissuasif sur de possibles actions face aux bas prix de vente, et d’achat, pratiqués dans le vignoble.
En matière de dissuasion, la plainte du négoce Castel l’an passé pour demander 100 528 euros de réparation aux deux syndicats agricoles (FDSEA et JA) et au collectif Viti 33 ayant manifesté devant son siège de Blanquefort le 28 février 2024 semble déjà faire effet. Sur cette affaire, les tentatives de conciliation ayant échoué, la procédure judiciaire suit son cours au civil à Bordeaux. Au pénal, la cour d’appel girondine devra désormais se pencher sur l’affaire de Théo Hernandez.