ébastien David part en guerre contre le « marché gris ». Après avoir découvert début octobre que deux de ses cuvées étaient en vente chez un Leclerc près de Tours, alors qu’il n’est pas présent en grande distribution, le vigneron de Saint-Nicolas-de-Bourgueil, connu pour ses vins nature¹, a poussé un coup de colère dans la presse locale et sur les réseaux sociaux. « J’ai été alerté par un de mes clients cavistes, très étonné de voir deux de mes vins au Leclerc de la Ville-aux-Dames.Et il n’a pas apprécié que ma cuvée Coef 2018 soit à 24 € chez Leclerc, contre 26 € chez lui et les autres cavistes, et le Kezako 2020 à 18 € au lieu de 19 € », relate Sébastien David. Une quarantaine de ces cuvées étaient chez Leclerc, en ‘coup de cœur’, sous la bannière ‘50 ans de foire aux vins avec les vignerons’. Sauf que je n’ai jamais signé avec Leclerc ! ».
Grâce au code laser apposé sur toutes ses bouteilles, Sébastien David assure avoir identifié l’intermédiaire qui aurait traité avec Leclerc, « un de mes clients qui se présentait comme caviste dans l’Indre ». Mais d’autres revendeurs occultes ont semble-il fait affaire avec l’enseigne. « Ce n’est pas la première fois que mes vins se retrouvent chez Leclerc, à la Ville-aux-Dames et en Bretagne, déplore Sébastien David. Je n’ai rien contre les producteurs qui veulent travailler avec la grande distribution. Mais d’autres vignerons de Loire qui ont choisi de n’être pas présents en Grande Distribution (GD) sont victimes comme moi de ces pratiques qui trompent le consommateur. Leclerc profite indûment de notre image que nous avons construite par notre travail et par la distribution de nos vins par des cavistes ».


Pour Sébastien David, ce marché parallèle « détruit les marchés des vignerons ». Il confie que certains de ses cavistes ne veulent plus le référencer. « Qui va me rembourser ma perte de chiffre d’affaires ?, lance-t-il. Avec les autres vignerons dans mon cas, comme Damien Delecheneau (Montlouis), Benoît Amirault et Nathalie Mabileau (Saint-Nicolas), nous allons engager une action commune en justice pour contraindre Leclerc à nous dévoiler l’identité des derniers vendeurs ».
Sébastien David a sollicité la Brigade régionale d’enquêtes vins de la Direction régionale de l’économie (Répression des fraudes) : « On m’a dit que ces reventes en grande distribution n’étaient en soi pas illégales. Alors que nous, vignerons, à la moindre incartade, nous sommes sanctionnés ». Selon l’administration, dans sa réponse au vigneron et que Vitisphere a pu consulter, « un tiers au réseau (de distribution du vigneron NDLR) peut satisfaire des commandes avec des produits acquis régulièrement, même en connaissance de l’exclusivité ou de l’agrément dont bénéficie le distributeur ». Mais, « les ventes hors réseau peuvent être illicites, lorsqu’elles constituent des ventes parasites effectuées par des revendeurs hors réseau qui profitent des investissements du fournisseur sans en supporter les coûts, ni assurer le service au consommateur ». Sébastien David et les autres vignerons engagés avec lui espèrent obtenir gain de cause. De son côté Leclerc, via son service presse, n’a pas répondu à nos sollicitations.
¹L’une de ses cuvées avait fait l’objet d’un ordre de destruction par la préfète d’Indre-et-Loire en 2019 en raison d’un taux d’acidité volatile trop élevé. Sébastien David avait contesté cette décision par des contre-analyses, soutenu par de nombreux sympathisants ayant signé une pétition sur Internet.