uart de siècle : le site Vitisphere célèbre ses 25 ans ce 10 avril ! Si l’auteur de ces lignes n’était pas présent à son origine, il fait partie des meubles de la rédaction depuis 14 ans. En guise de winemaking-of, voici 25 souvenirs de coulisse qui sont autant de bougies croustillantes à souffler :
Commençons par le souvenir le plus intrigant : un mail signé par une directrice d’AOC dénonçant des faits de harcèlement sexuel et conseillant de contacter diverses personnalités de son vignoble pour en savoir plus. Ne répondant pas aux demandes de rendez-vous pour s’entretenir du dossier avant de le creuser, l’expéditeur de ces courriels s’est révélé s’être fait passer avec un faux mail pour la personne réellement concernée par ces faits, qui n’a pas souhaité que cette affaire soit rendue publique et qui a déposé plainte pour usurpation d’identité. Cette affaire reste un mystère en suspens… Si vous en avez la résolution, n’hésitez pas à contacter la rédaction.
Tout aussi nimbé de mystère, un courrier anonyme reçu fin 2021 reproduisait le projet de cahier des charges pour la révision décennale du classement des crus de Saint-Émilion en 2022. Si radio piquet de vigne fonctionne fort, les corbeaux planent souvent sur les parcelles sans que leurs intentions soient bien claires.
Plus divertissant, le courrier anonyme épinglant les fautes d’orthographe commises par votre serviteur : "SURTOUT NE TE RELIS PAS". Evoqué dans un édito fin 2023, ce courrier a eu une réponse qui n’avait pas été reprise dans Vitisphere. Datée du 29 septembre 2023, ce courrier adressé à un « cher Marivaux… d’âge un peu vert » critiquait « la course à l’autosatisfaction et aux faux regrets » et proposait de « défier Macron, le Christ en vacances » (là aussi un mystère en suspens, si jamais vous avez une explication…) en concluant « METS-NOUS UN MAXIMUM D’ACRONYMES non détaillés ! » Si « bien écouter c'est presque répondre » pour Marivaux, il se trouve que la critique sur les sigles sans explication semble infondée à celui qui en est la cible.
D’un point de vue orthographique Vitisphere s’écrit sans accent pour reprendre les usages des noms de domaine internet.
Dans la série des courriers peu amènes, en voici un non pas reçu par Vitisphere mais ciblant sa rédaction. Un propriétaire de grands crus classés bordelais se plaignait début 2021 à la place de Bordeaux d’échos donnés à ses déclarations publiques « par un journaliste régional qui en s'exprimant dans le sensationnel voulait à coup sûr, en "biaisant" mes réponses et en les enlevant de leur contexte, donner de I'intérêt au support qui l'emploie ». Mais il s’avère que les propos tenus, et enregistrés, étaient encore plus salés dans leur globalité… Comme l’a montré leur publication in extenso.
Les propriétaires de grands crus classés étant décidément des êtres sensibles, et encore plus susceptibles, un autre piqué fut piqué mi-2024 par la comparaison entre le prix de vente aux enchères d’un de ses tonneaux et la quantité de vin d’AOC Bordeaux qu’il faudrait en face. Un calcul qui valut à votre serviteur d’être invectivé et qualifié par un Haddock du Médoc « de journaliste de l’Humanité ! De responsable des résultats des dernières élections (européennes et législatives) ! De pauvre type ! De mec médiocre ! »
Pour continuer dans les critiques émises, que vous êtes évidemment libre d’étoffer en commentaires, voici l’extrait du mail interne d’une cave coopérative du Sud-Ouest réfutant il y a quelques semaines l’écho à un jugement lui étant défavorable. Reprochant « un titre volontairement racoleur, un article confus et mal écrit par un pseudo journaliste, qui ne cherche rien d’autre que le sensationnel et/ou peut être à nuire… », la coop poursuivait sur la « médiocrité d’un individu peu fiable, incapable d’interpréter correctement et objectivement l’arrêt d’un Tribunal, ou qui est peut-être manipulé… » Dommage que ce mail reprenne ensuite non pas les éléments du jugement, mais les arguments de la défense cités préalablement par le tribunal dans son exposé des faits.
Preuve que l’on ne peut pas être aimé de tous, une lettre de menace plus directe a été envoyée par un vigneron médocain durant l’été 2023. S’ouvrant sur un prometteur « dommage que la chasse aux cons soit interdite, sinon, je prenais un permis pour t’accompagner ». A priori destinée au Groupe France Agricole (dont Vitisphere est une filiale), la longue missive se poursuivait par un mystérieux « Monsieur Abellan a un bateau amarré proche de quelque négociant Bordelais » comme « autre affaire facile à relater le concernant et totalement HORS sujet ». Si nul n’est parfaitement exemplaire, la rédaction de Vitisphere a non seulement appris ses leçons d’éthique, mais se les applique.
Permettant de préserver l’indépendance et la déontologie du travail journalistique, les refus de dîner ou de voyage de presse et autres échantillons peuvent occasionner des situations délicates. Les généreuses personnes invitantes le prenant parfois mal, mais l’éthique tient du principe plein et entier ou ne tient pas. D’autant plus que la ligne éditoriale de Vitisphere ne fait pas dans le conseil lifestyle d’achat de vin ou de séjour dans le vignoble. D’où le conseil aux opérateurs voulant faire de la communication d’investir dans d’autres revues et supports d’influence.
À noter que l’auteur de cet édito n’étant pas journaliste de formation, il a appris ces principes journalistiques auprès de camarades expérimentés, mais aussi de professionnels de la filière. L’un d’eux ayant des questionnaires sur l’éthique des journalistes à faire remplir pour sa nièce m’a ainsi fait découvrir la charte de Munich…
… Dont les principes de « ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste » et de « n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction » semblent bien peu connus par certains représentants de la filière vin quand ils sont concernés. Il est toujours incroyable de voir le nombre de personnes dans le vignoble qui confondent journaliste et copiste, mission d'information et obligation de communication… A croire qu'ils ont été mal habitués ! Souvenir notamment d’un interview de président d’interprofession en septembre 2022 se transformant en tribunal à quatre contre un sur la liberté d’informer…
… Un surprenant réquisitoire, point culminant après des interdictions de suivre des assemblées générales de cette interprofession et des demandes de désaveu auprès de la direction du Groupe France Agricole. Du moins jusqu’à des menaces directes début 2024, sans qu’il y ait eu de retours aux demandes d’explications. Tout est pardonné ? En tout cas, cela peut expliquer la faible présence de certains représentants de la production dans nos colonnes.
Même sensibilité pour les metteurs en marché. Il aura suffi d’un « avis de recherche : mais où donc est passé le négoce ? » dans un édito pour que des négociants influents boycottent notre titre et ne répondent plus à aucune de nos sollicitations. Ce qui peut expliquer la faible présence de certains représentants de l’aval dans nos colonnes.
Pour respecter les principes du contradictoire et de la diversité des points de vue, les représentants de la filière sont sollicités régulièrement par la rédaction de Vitisphere… Quitte à être accusée de harcèlements pour trop de sollicitation. Si vous souhaitez partager vos points de vue auprès de nous, n’hésitez pas à le faire : certains représentants ne veulent pas entendre parler de nous, mais nous avons à cœur de vous écouter.
Un lecteur souhaitant rester anonyme avait ainsi entamé un échange épistolaire avec la rédaction courant 2023. Si le principe d’un article reprenant anonymement sa vision était acté, le vigneron du Sud-Ouest a partagé ce texte à ses proches et… a pris peur d’être identifié, annulant tout. C’est dommage, ses propos restent intéressants. « Vous pouvez me croire : les problèmes de riches, je n’en ai jamais connu » écrivait-il, estimant que la: « seule planche de salut pour notre filière passe par la qualité. Quand tu ne vends pas ton vin, il faut te poser deux questions. "Ton vin est-il-bon ?" Ça, ce n’est pas à toi d’en décider. "Est-il au juste prix ?" Si tu réponds à ces deux questions, tu as résolu 90 % de tes problèmes. »
Il est vrai que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Les comptes-rendus de Fête de la fleur pendant les salons Vinexpo Bordeaux ont été peu goûtés par l’organisateur, la bien nommée Commanderie du Bontemps, qui a fait passer le mot aux propriétés « qu’il ne fallait plus infliger [à la rédaction de Vitisphere] une épreuve qui lui était visiblement insupportable ». Une mise sur liste noire élégante, aristocratie du bouchon oblige.
Plus populaire, le fondateur de Vitisphere, Michel Remondat a marqué les équipes avec ses traditions gastronomiques, comme le cassoulet collectif à l’aire de Castelnaudary sur la route menant de Montpellier au salon Vinitech (où les équipes étaient cependant incitées à abuser des buffets gratuits).
Un temps copropriétaire à Saint-Chinian, le domaine des Quat’z’arts, Michel Remondat y a organisé des séminaires d’entreprise se résumant à des vendanges permettant à tous de quitter les ordinateurs pour vivre le moment le plus fort d’un millésime.
Autre moment fort pour les équipes, un mail de la direction en 2012 proposant de réduire de 10 % les salaires le temps de rétablir les comptes, ou de quitter la boîte, face aux difficultés économiques de la filière : les crises sont récurrentes dans le vignoble et pour son écosystème…
Désolé : il n’y a pas vraiment 25 anecdotes. On dira que certaines seront gardées pour les 30 ans… Et désolé pour la longueur de cet édito. « Je vous écris une longue lettre parce que je n'ai pas le temps d'en écrire une courte » écrivait Blaise Pascal.
Un message de remerciement personnel pour les 13 ans passés à suivre l’actualité de la filière grâce aux soutiens et à la chance donnée par Michel Remondat, Anne Serres, alors rédactrice en chef du site, et le professeur Hervé Hannin, de l’Agro Montpellier, pour avoir encadré le stage m’ayant mis le pied à l’étrier.
25 ans après, reste la ligne éditoriale fixée par Michel Remondat : faire de Vitisphere le Reuters du vin. On n’y est pas encore, mais on fait de notre mieux.
Si les jeux de mots perlant notre site plaisent à des lecteurs, ces calembours en fatiguent d’autres. Finalement, ils sont seulement l'application des commandements du journaliste libre prônés par Albert Camus, qui y plaçait l’ironie en bonne place. Une ironie non railleuse, mais détachée et décalée.
Et si des gros titres semblent trop forts pour des lecteurs, il faut reconnaître que l’exercice médiatique impose d’interpeller. « Un journaliste est d'abord un homme qui réussit à se faire lire » écrivait François Mauriac.
Si parmi ces 25 entrées il y a beaucoup d’anecdotes pour le moins critiques, il y a aussi des souvenirs plus que positifs. Heureusement ! Merci à nos lecteurs qui nous font confiance pour les informer.
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