our mieux évaluer l’impact de la perméabilité de l’obturateur sur la qualité des vins blancs de garde, Alexandre Pons a entamé en 2008 un travail de longue haleine: suivre tous les ans pendant 10 ans des lots de sauvignon conditionnés dans trois domaines bordelais avec différents bouchons, en liège naturel, micro agglomérés, synthétiques, ou avec des capsules à vis. Le chargé de recherches détaché à l’ISVV par le groupe œneo avait réalisé de nombreuses analyses et encadré plusieurs dégustations pour arriver à la conclusion que les bouchons les plus étanches retardent l’apparition des marqueurs du vieillissement oxydatif comme le méthional à l’odeur de pomme de terre bouillie, tout en maintenant les thiols et la faveur des dégustateurs. « A l’époque, nous n’avions malheureusement pas pu vérifier que les taux de transfert d’oxygène (OTR) annoncés par les fournisseurs étaient bons. Et aucune méthode ne permettait de le faire sur de vieux bouchons », se souvient Alexandre Pons.
Les choses ont changé grâce à la thèse d’Emilie Suhas financée par Diam et encadrée par Alexandre Pons à la fin de ce projet. « Nous avons adapté au vin la méthode dite coulométrique utilisée par l’industrie du packaging pour mesurer le passage de l’oxygène au travers d’une bouteille en plastique par exemple. Pour cela, nous avons acheté une machine plus sensible et mis au point un protocole permettant de maîtriser l’hydratation de l’obturateur pendant les deux mois de l’analyse », résume Alexandre Pons.
Ce cap passé, Emilie Suhas a découpé le col de 86 bouteilles des mêmes lots de sauvignon de 2008 et mesuré l’OTR des différents obturateurs après 12 ans de conservation et obtenu des résultats compris entre moins de 0,1 mg d’oxygène par an et 90 mg d’oxygène par an. « Nous avons constaté une grosse hétérogénéité de perméabilité sur les bouchons en liège et remarqué que sur les bouchons techniques, plus l’OTR de départ est faible, plus il est stable dans le temps, particulièrement pour les bouchons micro agglomérés », livre Alexandre Pons.
Par la suite, les chercheurs ont analysé les thiols (4-methyl-4-sulfanylpentan-2-one, 3-mercaptohexan-1-ol et furfurylthiol), les marqueurs moléculaire des défauts oxydatifs (méthional et phénylacétaldéhyde), et les teneurs en SO2 libre et CO2 dissous dans 33 des vins. En classant les vins dans trois groupes selon les résultats des analyses, ils se sont aperçus que l’OTR moyen des obturateurs des vins riches en thiols et faibles en aldéhydes (0,27 mg d’oxygène par an) était statistiquement différent de celui des vins très oxydés (14,73 mg O2/an) et des vins intermédiaires (0,82 mg O2/an). « Dans le premier groupe, les teneurs en thiols n’avaient presque pas diminué depuis la mise en bouteille 12 ans plus tôt, commente Alexandre Pons, fixant à 0,3 mg O2/an le seuil d’OTR garantissant la préservation des arômes du sauvignon dans le temps. « C’était le cas pour trois capsules à vis, trois bouchons Diam, et deux bouchons en liège naturel », précise-t-il.


Pour Alexandre Pons, cet OTR seuil va au-delà de la notion de terroir. « Un grand vin ne peut pas se révéler au vieillissement si l’obturateur est trop perméable à l’oxygène. Le bouchage est d’importance capitale pour que tous les efforts faits en amont à la vigne ou au chai ne soient pas gâchés », insiste-t-il.
Les dégustations de 20 des vins de l’étude réalisées par un panel d’experts de l’ISVV et de domaines de Pessac l’ont confirmé. « Les vins bouchés avec un obturateur à faible OTR ont systématiquement été jugés plus typiques du sauvignon », assure Alexandre Pons. D’autres études en cours sur vins rouges et chardonnay sont en train de confirmer le rôle crucial de l’OTR de l’obturateur. Dommage qu’il ne soit pas encore techniquement possible de suivre la cinétique du niveau d’OTR dans le temps sur une même bouteille.