omment le CEEV voit-il évoluer le dossier des taxes chinoises sur les brandies européens : une désescalade est-elle possible ou l'engrenage est-il impossible à arrêter ?
Ignacio Sanchez Recarte : Même si pour le moment les vins ne sont pas impactés, nous voyons avec forte préoccupation la dégradation des relations entre l’Union Européenne et la Chine, et surtout, comment des produits de l’agri-agroalimentaire sont pris en otages dans des disputes qui n’ont rien à voir avec eux.
Déjà difficile, le marché américain semble menacé pour les vins et spiritueux européens avec l'élection de Donald Trump voulant taxer de 10 à 20 % tous les produits importés et pouvant lever la suspension des taxes Airbus avant juin 2026... S’y ajoutant des risques de nouvelles grèves dans les ports de la côte Est dès janvier 2025, comment naviguer dans ces eaux troubles ?
Les États-Unis sont notre principal marché d’exportation et il est fondamental de pouvoir maintenir un bon accès à ce marché. Bien sûr que les annonces faites pendant la campagne présidentielle sur une éventuelle taxe universelle sont préoccupantes et doivent être prise au sérieux. Nous devons maintenir et développer encore plus les collaborations que l’Union Européenne a avec les autorités américaines dans le domaine du vin.
Plus généralement, les vins et spiritueux sont pris en otage de manière récurrente dans des conflits commerciaux qui ne les concernent pas. Comment les en sortir à l'avenir ?
Malheureusement cela ne dépend pas de nous. Mais il est de notre responsabilité, de tout le secteur agro-alimentaire uni, de demander activement que nos produits ne soient pas pris en otage. Par exemple, en tant que CEEV, nous avions demandé à Bruxelles, dans le cadre du contentieux Boeing, de ne pas appliques de droits de compensation sur les vins américains, même si les autorités américaines avaient décidé d’appliquer des tarifs supplémentaires sur les vins de l’Union Européenne dans le cadre du contentieux Airbus.
Le marché britannique annonce une augmentation de ses droits d'assises : quelle est la position du CEEV ?
Nous savons que l’augmentation des taxes est contreproductive et ne garantit pas une augmentation des recettes – comme le prouvent les dernières données du HMRC (Recettes et Douanes de Sa Majesté) qui montrent que les recettes des taxes sur l’alcool ont diminué de près de 500 millions de livres sterling au cours des six premiers mois de l’exercice (600 millions €), en raison d’une hausse de 20 % des taxes sur neuf spiritueux sur dix et de 10 % sur les spiritueux de force moyenne.
A travers notre membre au Royaume-Uni (la WSTA), le secteur vitivinicole a prévenu que l’augmentation des taxes n’aidera pas les entreprises à investir et à se développer, mais entraînera des hausses de prix pour les consommateurs et, surtout, n’aidera pas le Trésor à récupérer les fonds dont il a tant besoin pour combler le trou noir des finances publiques.
Problème supplémentaire, la chancelière Rachel Reeves n’a pas réussi à annuler les changements inutiles et coûteux apportés à la manière dont le vin doit être taxé à partir du premier février de l’année prochaine.
L'accord du Mercosur pourrait-il être une bonne nouvelle pour conquérir de nouveaux marchés (comme le Brésil) ou est-ce qu'il constitue un risque (en ouvrant le marché européen à la concurrence argentine) ?
Soyons francs, les vins argentins sont déjà présents sur le marché de l’Union Européenne – les tarifs européens sur le vin tranquille importés n’est pas une barrière au commerce et nous n’allons pas voir un arrivage massif de vins argentin. Le traité EU-MERCOSUR représente une énorme possibilité pour la durabilité du vin européen. On a besoin de nouveaux marchés, de nouveaux consommateurs, et ce traité, nous ouvre la porte du Brésil. Pays dans lequel nous sommes confrontés à des tarifs importants et diverses barrières techniques au commerce. On a besoin de cet accord et on défendra sa ratification.
Le marché européen peut-il soutenir ses entreprises du vin ? Quels seraient les leviers à mobiliser (guichet unique pour l'export intracommunautaire aux particuliers, uniformisation des règles sur l'étiquetage...) ?
Le marché de l’Union Européenne est le principal marché de vin au monde et doit être notre bastion de base. Néanmoins il doit mieux fonctionner, être plus fluide, et éviter l’adoption de règles non-harmonisé au niveau national. Car sinon, au lieu d’un marché unique, nous aurons 27 petits marchés. Donc la législation européenne peut jouer un rôle important dans la facilitation de nos échanges intra-européens.
Par exemple, nous avons besoins d’une harmonisation totale sur l’étiquetage – pas de normes supplémentaires au niveau national -, d’un cadre linguistique qui nous permette d’utiliser une seule étiquette pour toute l’Union Européenne basé sur le digital et les symboles et de la mise en place d’un régime simple et accessible à tous les opérateurs pour la vente à distance intra-Union Européenne.
Le CEEV a-t-il des demandes spécifiques auprès du Groupe à Haut Niveau de la Commission Européenne ?
Oui, nous avons partagé avec la Commission notre manifeste sur le futur du secteur du vin et une note spécifique pour la première réunion du groupe de haut niveau avec un plan détaillé de que nous pensons doit se faire, et aussi ce qu’il faudrait éviter… Pour le moment je crois que les discussions des Etats Membres vont dans le bon sens. Attendons à la dernière réunion de mi-décembre.