our le commerce des spiritueux (alcool titrant plus de 15°), les difficultés de 2022 se poursuivent en 2023, avec un effet ciseaux entre la hausse des coûts non répercutée à l’aval (avec de dures négociations commerciales ce début d’année) et des baisses de l’activité en France (depuis 3 en grande distribution, et depuis 2023 en restauration) et à l’export (notamment en Asie et en Amérique du Nord) liste Jean-Pierre Cointreau, le président de la Fédération Française des Spiritueux (FFS), qui réunit 250 membres (50 de plus depuis la crise Covid, avec l’arrivée de « personnes faisant de leur passion un métier »).
Tirant le bilan et les perspectives économiques de la filière des spiritueux lors d’une conférence de presse ce 13 juin à Paris, Jean-Pierre Cointreau rappelle que les cognacs trustent la valeur de la filière à l’export (70 % du chiffre d’affaires, quand ils représentent 29 % des volumes). Mais depuis le repli de 2022-2023, « Cognac reste à la peine, la Chine n’a pas redémarré, les États-Unis continuent de consommer les stocks constitués ». Et les perspectives d’évolution sont inquiétantes sur ces deux marchés. « Les difficultés sont devant nous » prévient Thomas Gauthier, directeur général de la FFS, relevant « en Chine avec enquête antidumping » visant les cognacs (dans le cadre d’un conflit commercial avec l’Union Européenne qui annonce des taxes allant jusqu’à 38 % sur les véhicules électriques chinois dès le 4 juillet), et « en Amérique du Nord, les élections de novembre qui peuvent orienter plus ou moins bien les conflits en cours avec les États-Unis », comme la réactivation toujours possible des taxes Trump de +25 %, nées d’un différend aéronautique (ayant déjà coûté 450 millions € à la filière française en 16 mois d’application).


« Aujourd’hui, on a un armistice avec le report des contentieux Airbus/Boeing et acier/aluminium. Nous attendons comme tout le monde les élections de novembre et la nouvelle administration en janvier » indique Jean-Pierre Cointreau. Qui semble également d’humeur philosophe quant à l’avenir de l’enquête antidumping : « Dieu seul le sait, et dieu est président chinois ». Dans l’immédiat, ces deux risques sont significatifs pour les spiritueux : « on a deux tiers de la valeur exportée sur des destinations à risque. On n’est pas en mesure de vous dire aujourd’hui où l’on va atterrir » rapporte Thomas Gauthier, regrettant que la filière soit de nouveau une victime collatérale : « malheureusement, ce n’est pas une première. Nos opérateurs ne pratiquent en aucun cas de dumping. »
Mais « la filière est attachée au libre-échange. Le reste c’est de la politique politicienne » tacle Jean-Pierre Cointreau, qui défend également l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Canada (CETA) : « cet accord est largement bénéfique aux vins et spiritueux. Malheureusement il est à risque. » Après le vote de rejet du Sénat en mars, le texte devait revenir à l’Assemblée Nationale, actuellement dissoute et lançant le sujet en suspens au moins jusqu’aux élections législatives (30 juin et 7 juillet). Si les ventes de spiritueux calaient plus, les impacts seraient immédiats sur le vignoble. Avec 1,9 million de tonnes de raisins par an, « la filière des spiritueux utilise comme matière première un tiers de la production de raisins français » chiffre Thomas Gauthier, ajoutant : « vous imaginez assez rapidement les conséquences sur la viticulture français si l’on se retrouvait avec un tiers de la production dont on ne saurait plus quoi faire ». Les impacts dépasseraient la filière des vins et spiritueux, une étude réalisée en 2023 sur des donnés de 2022 chiffre l’ampleur de l’activité : à 17 milliards d’euros de PIB et 151 500 emplois, sachant qu’un emploi direct dans la filière entraine 12,7 emplois indirects.
Dans l’immédiat pour les spiritueux, « on est en quête de stabilité et de visibilité » prêche Jean-Pierre Cointreau, pour qui « gouverner c’est prévoir. Nos entreprises ont l’habitude des crises, néanmoins elles ont besoin de stabilité de la réglementation. » S’il est difficile actuellement de parler de visibilité, la FFS demande déjà que la France ne surtranspose plus les normes européennes. Commercialement, pas de catastrophiste pour Jean-Pierre Cointreau qui se rappelle de précédents cycles : « j’ai commencé à travailler lors de la première crise pétrolière. L’Angleterre ne travaillait que 3 jours sur 7. On se réchauffait derrière la vitre au soleil… Ce n’est pas la première crise du secteur. Et notre profession a été bénie des dieux sur les 50 dernières années. Ma procuration majeure, ce sont les entreprises créées ces dernières années. »