e nature discrète et modérée, la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS) sort de ses gonds après le rejet ce jeudi 21 mars par le Sénat de la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (le CETA). Ayant été signé par l’Union Européenne et le Canada en 2016, le CETA est « entré en vigueur de manière provisoire depuis le 21 septembre 2017 » pointe la FEVS dans un communqiué, qui note que « depuis cette date, l’excédent commercial des secteurs agricole et agroalimentaire français a été multiplié par trois, passant de +196 millions d’euros € en 2017 à +578 millions d’euros en 2023. Dans le secteur des vins et spiritueux, l’excédent commercial est passé de + 475 millions d’euros à+591 millions d’euros. Un succès que le vote du Sénat aujourd’hui remet fortement en cause. »
« Ce choix est regrettable. C’est un échec pour la France et un coup porté par la majorité sénatoriale au secteur des vins et spiritueux » poursuit la FEVS, qui s’en prend au « vote de la majorité des sénateurs [qui] rejette un accord commercial qui bénéficie à certains secteurs sans nuire aux autres ». Bénéficiant aux vins, spiritueux, cosmétiques et fromages, le CETA est cependant critiqué par le secteur des bovins qui craint l’arrivée massive de viandes canadiennes*. De quoi valider la demande par les Vignerons Indépendants de sortir les vins et spiritueux des accords commerciaux agricoles à l'avenir pour éviter les oppositions entre filières nationales.


Président de la FEVS, Gabriel Picard souligne qu’« alors que la filière des vins et spiritueux est dans une situation difficile, il faudra que, demain, ceux qui ont refusé cet accord expliquent aux producteurs français de vins et de spiritueux pourquoi ils risquent de perdre les marchés qu’ils avaient développés depuis 2017 au Canada ». Rappelant que les tensions géopolitiques ne manquent actuellement pas d’inquiéter la filière vin (des taxes Trump suspendues aux enquêtes chinoises antidumping), le négociant bourguignon ajoute que les sénateurs devront expliquer « au secteur tout entier pourquoi, alors qu’on vit sous une menace, très concrète et très lourde, de contentieux commerciaux avec de grands pays, ils ont choisi de rejeter un accord avec un pays ami. »
Ministre délégué au commerce extérieur, Franck Riester rappelait que « le débat n’est pas clos. Le processus parlementaire n’est pas clos, mais c’est un mauvais coup aujourd’hui aux entreprises qui exportent davantage vers le Canada grâce à cet accord ». Validé par l’Assemblée Nationale en 2019, le CETA pourrait être de nouveau étudié en Commission Mixte Paritaire ou être remis à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale lors d’une niche parlementaire (les députés communistes le souhaitent pour le 30 mai prochain).
« La procédure d’examen du texte n’est pas achevée. La FEVS poursuivra ses efforts en faveur de la ratification de l’accord, pour une France et une Europe ouvertes, conquérantes et en tournant résolument le dos à la fermeture et l’autarcie » soulignent les exportateurs. Il y a encore du travail alors que les élus semblent divisés sur le sujet. « Élu d'une région viticole, je sais que cet accord est essentiel pour la viticulture. Les chiffres du Trésor parlent d'eux-mêmes : depuis 2017, les exportations de vins et de spiritueux ont augmenté de 24 % » rapporte ainsi Jean-Pierre Grand (Hérault, les Indépendants Républiques et Territoires) en commission des affaires étrangères ce 13 mars, pointant que « la viticulture française est au bord du drame - je n'exagère pas ! Les vignerons sont acculés. [...] La viticulture traverse une crise historique et le secteur peut s'enflammer : ne frottons pas l'allumette ! » Au contraire, « élu de Bourgogne, région qui produit les meilleurs vins du monde, je sais qu'une augmentation de 24 % des exportations vers le Canada ne changera pas fondamentalement la donne pour le secteur. Le problème est ailleurs » estime pour sa part le sénateur Alain Houpert (les Républicains).
* : La Coordination Rurale reconnait dans un communiqué qu’« en apparence, le bilan des échanges de produits agricoles entre l’UE et le Canada ne semble, jusqu’à présent, pas défavorable à l’UE puisque les importations de viandes bovines de l’UE en provenance du Canada ont représenté depuis 2022 moins de 4 % de son contingent ». Mais pour le syndicat agricole, « ce chiffre est à relativiser puisque les importations se sont retrouvées limitées du fait de l’interdiction des hormones de croissance et du traitement des carcasses à l’acide péroxyacétique (APA). Si le Canada n’était, jusqu’ici, pas en mesure de fournir le marché français en viande bovine sans hormone, car l’accord ne s’appliquait que de façon provisoire, la Coordination Rurale alerte sur le fait que si le CETA est adopté définitivement, la production sans hormone pourrait se développer rapidement au Canada pour s’octroyer un nouveau débouché représentant près de 65 000 tec (tonnes équivalent carcasse) de viande bovine. »