erre de cognac à moitié vide ou à moitié plein, en tout cas la mesure des rétorsions chinoises sur des taxes ciblant les eaux-de-vie de vin cesse d’évoluer défavorablement malgré la poursuite du conflit entre Pékin et Bruxelles sur les véhicules électriques. Ce lundi 11 novembre, un communiqué du ministère du Commerce de la République Populaire de Chine annonce que « la mise en œuvre de mesures antidumping provisoires sur les brandys liés à l'importation originaires de l'Union Européenne » en vigueur depuis un mois, le 11 octobre dernier, va évoluer « à partir du 15 novembre » : finie l’obligation de cautionnement des 30,6 à 39 % de la valeur des brandies importés (selon le ratio de marges estimé/imposé aux entreprises par l’enquête antidumping), désormais « l'importateur doit fournir le dépôt de garantie ou la lettre de garantie correspondante » indique le MOFCOM.
Simplifiant la procédure antidumping pesant sur les cognacs et armagnacs en cette période stratégique d’expédition pour le nouvel an lunaire (29 janvier 2025), cette décision chinoise ne met pas un terme à la prise d’otage des brandies dans la guerre commerciale entre Pékin et Bruxelles, mais semble calmer le tempo des surenchères. Il s’agit plutôt d’« une nouvelle positive » pour le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) pour qui « les importateurs pourront maintenant présenter des garanties bancaires au lieu du versement de caution demandé jusqu’alors ».
Un tigre dans le moteur
Contrairement aux précédentes réactions chinoises à toute décision européenne visant leurs véhicules (comme le vote communautaire du vendredi 4 octobre sur de nouvelles taxes ayant pour réponse imédiate le cautionnement sur les eaux-de-vie dès le vendredi 11 octobre), la confirmation européenne des taxes sur les voitures chinoises du jeudi 31 octobre n’a pas déclenché de contre-attaque immédiate de la Chine sur les produits agricoles européens (lait et porc étant aussi dans le viseur). La note du MOFCOM calme plutôt le jeu en desserrant l’étau après la visite de la ministre déléguée chargée du Commerce Extérieur, Sophie Primas, qui était en Chine ces lundi 4 et mardi 5 novembre lors de la foire China International Import Expo à Shanghai. La Chine étant la deuxième destination export des cognacs (23 % des volumes et 38 % de la valeur), « il s’agit pour nous d’un signal positif qui montre que les discussions entamés à Shanghai au cours des derniers jours doivent être poursuivies » indique à Vitisphere le BNIC. Après des mois d’errance diplomatique*, ce cessez-le-feu après ces échanges bilatéraux Chine-France indiquerait que « la résolution [serait] dans les mains du gouvernement français » comme l’indiquait l’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, lors d’échanges avec Florent Morillon, le président du BNIC, avec l’appui d’un proverbe de circonstance : « c'est à celui qui a accroché la clochette au cou du tigre de la décrocher ».
* : Président de l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC), Anthony Brun refaisait récemment le match. « Dès septembre 2023, un courrier avait été adressé au premier ministre [Elisabeth Borne] pour l’alerter du fait que les positions portées publiquement par le gouvernement français contre le secteur automobile chinois nous exposaient très directement à des rétorsions. Aucune réponse. » Après l’annonce de l’enquête antidumping chinoise le 5 janvier 2024, « nous avons de nouveau tout fait pour être entendus. Nous avons rencontré le Premier ministre [Gabriel Attal], les ministres de l’Économie [Bruno Le Maire], de l’Agriculture [Marc Fesneau], du Commerce Extérieur [Franck Riester]. Nous avons été reçus à l’Élysée. Nous avons participé au dîner officiel offert lors de la visite du Président chinois. On a pris soin de nous démontrer de l’empathie. Mais sur le fond, rien du tout » poursuit le viticulteur. « Depuis le 29 août, nous savons que nous sommes sur le point d’être taxés en Chine à un niveau qui nous fera perdre ce marché » constate Anthony Brun, sans que cela ait fait avancer la moindre ligne : « nous avons écrit à la Présidente de la Commission européenne, qui gère le dossier. C’est un fonctionnaire qui nous a répondu, en anglais, avec un message qui disait en substance : circulez, y a rien à voir » rapportait-il le 10 septembre, avant la manifestation du 17 à Cognac.