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"Le vigneron bio c’est le voisin que veulent les citoyens, mais il faut acheter son vin"
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Pascal Boissonneau
"Le vigneron bio c’est le voisin que veulent les citoyens, mais il faut acheter son vin"

Affrontant les mêmes crises du mildiou et de la dévalorisation des prix de vente, le vignoble bio défend son modèle nécessitant des soutiens pour mieux commercialiser ses produits, pour préserver l’usage du cuivre... Le point avec Pascal Boissonneau, le président du Syndicat des Vins Bio de Nouvelle-Aquitaine.
Par Alexandre Abellan Le 30 novembre 2024
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Commercialement, « on n’a jamais passé autant de temps à prospecter pour des résultats en deçà des efforts investis : c’est cruel, mais c’est la réalité » constate Pascal Boissonneau. - crédit photo : Alexandre Abellan
A

vec leur forte pression mildiou, les millésimes 2023 et 2024 semblent avoir été un calvaire pour les vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine… Quitte à nourrir les déconversions ?

Pascal Boissonneau : Il est clair que ce sont deux millésimes extrêmement compliqués pour les bio. Mais pas qu’eux, on voit des conventionnel sans CMR (phytos classés Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques) dans des situations extrêmement difficiles Et en dehors du mildiou, notre bête noire, il y a eu du millerandage, de la coulure et de la grêle qui sont tombés pour tout le monde. On s’aperçoit que le cuivre est la solution pour garder les gens en bio. Avant les millésimes 2023 et 2024, on avait des printemps secs permettant de réduire les doses de cuivre. L’an dernier, on n’a pas assez augmenté les doses de cuivre. Cette année, on a utilisé les doses dont on avait besoin.

En 2023, ceux qui étaient à 3 kg/ha de cuivre ont rentré très peu de récolte, alors que ceux à 5 kg/ha ont plus sauvé de raisins. Des vignerons bio de l’Entre-deux-Mers ont sauvé leurs récoltes et feront mieux que le rendement moyen de l’AOC avoisinant les 40 hl/ha. Dans certaines zones de la Gironde et de Dordogne (à Duras), il y a eu des contaminations très tôt, avec peut-être un début de protection un peu trop tardif, conduisant à des contaminations primaires fortes. Une fois le mildiou implanté, il est compliqué de gérer sur millésime où pleut tout le temps : court après. Plus rien à la fin après coulure, grêle…

 

Vous évoquez l’importance du cuivre pour la viticulture bio, est-il toujours su la sellette à Bruxelles ?

Un petit peu moins pour l’instant. Tout le monde est OK pour se passer du cuivre s’il existe une solution au moins aussi efficace. En l’état actuel des choses, il n’y a pas de produit de substitution. Si on veut garder des vignerons bio sur la face atlantique, il faut garder le cuivre et surtout ne pas baisser les doses autorisées. Avec 4 kg par hectare et par an, lissable sur 7 ans depuis le millésime 2022, il faut être vigilant. En 2023 et 2024, certains ont déjà utilisé des doses importantes. On ne connait pas l’avenir, peut-être que les cinq prochaines années seront très sèches. Si nécessaire, on va défendre ceux qui s’approcheront des 28 kg/ha pour qu’ils restent bio. La bio n’est pas dans une impasse, il faut des viticulteurs attentifs au climat et n’ayant pas peur d’utiliser la dose nécessaire pour contenir le mildiou.

 

Concernant les déconversions, sont-elles massives ou à la marge pour le vignoble bio aquitain ?

En 2020 sur la Nouvelle-Aquitaine, nous avons 32 domaines qui ont arrêté (se décertifiant ou arrêtant l’activité). En 2021, ils étaient 86. En 2022, on en comptait 78. En 2023, on en avait 87. Et à la fin juin 2024, les déconversions étaient de 38 domaines. On ne peut pas dire qu’il y ait une augmentation, comme les certifiés ont augmenté, la proportion de déconversion va même à la baisse. Aujourd’hui en Gironde, 24 % des surfaces viticoles sont en bio : se déconvertir, c’est revenir dans une forme de masse. Sans garantie de faire plus de volumes, de retrouver un prix, de retrouver des marchés… Dans les déconversions, on trouve plutôt des domaines certifiés depuis moins de 5 ans et plutôt dans un profil de vracqueurs. On peut se dire qu’ils sont venus en bio pas forcément par conviction profonde, mais pas une forme d’opportunité commerciale qui fait qu’ils ne s’y retrouvent pas.

 

Economiquement, les marchés sont difficiles. En octobre 2024, le cours du Bordeaux rouge bio était de 1 300 € le tonneau…

C’est indécent, on est en dessous du coût de production. Si l’on suit l’étude du coût de production de la Chambre d’Agriculture de Gironde, le conventionnel tourne à 1 400 € le tonneau et le bio tourne autour de 1 800 €. Avec les Vignerons Bio de Nouvelle-Aquitaine, on alerte les producteurs sur leurs coûts de production : vendre en dessous de 1 800 € le tonneau, c’est perdre de l’argent en bio. Le vigneron bio c’est le voisin que veulent les citoyens. Il va falloir qu’ils deviennent acteurs de la consommation pour garder un vigneron bio à côté de chez eux : le vouloir dans les déclarations c’est bien, mais il faut acheter son vin. C’est au consommateur de dire ce qu’il veut par ses choix d’achat.

Les vignerons bio font partie des gens qui ont compris qu’il faut maîtriser leur commercialisation et en prendre en charge une partie pour gérer les marchés et la valeur ajoutée. En Nouvelle-Aquitaine, la grande distribution représente 13 % des ventes de vins bio avec une orientation à la baisse malgré beaucoup de volumes disponibles. La compétition sur le prix n’apporte rien, cela appauvrit et fragilise les domaines, qui seront encore moins capables de rebondir derrière. L’export pèse pour 40 %, les circuits cavistes, CHR, magasins spécialisées et ventes directes sont bien orientés.

 

Face aux difficultés actuelles, notamment de trésorerie, souhaitez-vous des aides d’urgence au profit du vignoble ?

Je suis sceptique sur les aides directes qui coûtent très cher à l’Etat pour des résultats plus que mitigés sur les entreprises. On récupère 2 à 3 000 €, on paie une facture et c’est fini alors que cela coûte des millions. Il y a des aides efficaces : rééchelonner les cotisations MSA ou repousser les échéances bancaires en prenant en charge les intérêts, cela peut avoir un impact sur la trésorerie et donner de l’air. Pour aider les entreprises, elles devraient vivre de leurs propres commercialisations et pas attendre des aides. S’il faut des aides, il faudrait les orienter plus vers la commercialisation.

En bio, il faut d’abord assurer la production sur le terrain pour sortir ceux en difficulté après des pertes mildiou. Une fois que l’on a le volume, il faut être performant commercialement avec un accompagnement pour savoir vendre et générer de la valeur ajoutée. Aujourd’hui, c’est ultradifficile. On n’a jamais passé autant de temps à prospecter pour des résultats en deçà des efforts investis : c’est cruel, mais c’est la réalité. On est dans une période extrêmement difficile et ce n’est pas propice pour dégager des moyens de développement de la commercialisation. Alors qu’il n’y que ça qui peut sauver nos entreprise : réussir commercialement.

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