l y a bientôt six ans, la Fédération des vins de Nantes a demandé aux ingénieurs du pôle Val de Loire de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) de les aider à vinifier un vin effervescent à base de melon blanc par la méthode de la cuve close. « A l’époque, l’objectif était de désengorger le segment du Muscadet générique et d’offrir le moyen aux exploitations d’augmenter leur rentabilité », retrace Frédéric Macé, directeur de la Fédération.
Ayant obtenu des financements d’Interloire et de la Région Pays de la Loire, l’IFV a démarré les essais en 2019. « Nous avions pour consigne d’utiliser au moins 80 % de melon B. », précise Frédéric Charrier, chargé du projet baptisé "Vineff". Pendant trois millésimes, les techniciens de la cave expérimentale de Vertou (44) ont donc vinifié plusieurs hectolitres de vins de base purs, issus de melon B., et de six autres cépages cultivés dans la région nantaise (chardonnay, folle blanche, colombard, melon rouge, pinot noir du clone berligou et grolleau noir).
Les vins ont été assemblés juste avant la prise de mousse. Cette opération a été réalisée dans des fûts à bière de 50 litres, avec un nouveau levain. « Notre collègue Marie-Charlotte Colosio a hybridé des souches Saccharomyces bayanus, pour leur performance, et des Saccharomyces cerevisiae, pour leur apport aromatique », détaille Frédéric Charrier.
Après la prise de mousse, les vins effervescents ont été passés au froid et filtrés sur cartouches en conditions isobarométriques, à l’abri de l’oxygène. Quelques lots ont été scindés en deux, une fraction faisant l’objet d’une adjonction de liqueur dans le but d’avoir un vin brut et un autre contenant environ 30 g/L de sucres. « Chaque millésime, nous avons envoyé les vins à l’unité IFV de Rodilhan pour qu’ils soient embouteillés sur la chaîne isobarométrique adaptée par Gaï au conditionnement de petits volumes », continue Frédéric Charrier. L’embouteillage s’est opéré sans apport de liqueur d’expédition.
Revenus dans le Val de Loire, les 54 vins effervescents vinifiés en 2019, 2020, et 2021 ont été analysés et dégustés par un jury de professionnels de la filière. « Les dégustateurs ont dû trier les vins dans trois groupes : « Conforme », « Conforme sous réserve de quelques adaptations dans le process d’élaboration, comme la richesse en sucres, l’acidité, ou le niveau de pression, ou « Non conforme » », liste l’ingénieur IFV.
90 % des échantillons ont été jugés "Conformes", ou "Conforme sous réserve". Le melon B. a donné des vins effervescents agréables et frais, quoique moins acides que ceux obtenus avec d’autres cépages ligériens utilisés pour l’élaboration de crémants. Frédéric Charrier n’est pas surpris que le produit plaise. D’après lui, « il est possible de faire un vin effervescent avec n’importe quel cépage, et encore plus facilement avec du blanc ».
Suite à cette étude préliminaire, la Fédération des vins de Nantes a pris la décision en 2022 de passer au stade pilote. « Avec la succession d’aléas climatiques que nous avons connu depuis le début des essais nous n’avions plus trop de stock de Muscadet, et encore moins aujourd’hui, mais nous souhaitions toujours donner aux vignerons la possibilité de proposer une gamme complète à leurs clients », reprécise Frédéric Macé.
Des essais sont donc désormais conduits dans des cuves de 8 hectolitres et du matériel de cave plus classique. En parallèle, un travail est mené auprès des consommateurs par l’équipe d’analyse sensorielle de l’ESA d’Angers. « Nous attendons ses conclusions pour bien positionner ce nouveau produit, et lui donner un nom », continue le directeur de la Fédération des vins de Nantes, qui réfléchit aussi à demander la reconnaissance en IGP ou AOP.