epuis plus de dix ans, Maxime Cheneau, vigneron à Mouzillon, au Sud de Nantes, en est convaincu : le muscadet est un vin breton, et non un vin de Loire. Il défend le projet d’une IGP Bretagne recouvrant non seulement la Bretagne « administrative » (les quatre départements actuels), mais aussi la Loire-Atlantique (44), ajoutant ainsi un volet viticole au serpent de mer du rattachement du 44 à la Bretagne.
Jusqu’à récemment, cette volonté « réunionniste » restait cantonnée aux "gwen ha du" (drapeau breton) et "triskell" (trois spirales identitaires en Bretagne) sur les bouteilles de muscadet de son domaine et quelques autres, d’un activisme sur les réseaux sociaux ou de quelques velléités politiques au sein de la fédération des vins de Nantes. Le 17 février, le groupe a aussi organisé un premier « salons gwinoù breizh», un salon des vins bretons à Saint-Nazaire (44). Mais l’affaire prend une tournure plus officielle avec la création, prévue ce samedi, du premier syndicat des Vignerons de Bretagne.
Entre 15 et 25 producteurs sont attendus – « pour moitié de Loire-Atlantique, pour moitié des autres départements bretons », avance Maxime Cheneau, pour porter sur les fonts baptismaux un ODG et sa future IGP Bretagne, couvrant les cinq départements. Il ne s’agit pas pour autant de faire sortir le Muscadet de l’IGP Val de Loire, « on peut tout à fait superposer deux IGP si besoin, ça existe déjà », assure le vigneron. Interrogé, Julien Pillot, juriste de l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO), est moins formel sur cette possibilité, « c’est une chose à travailler si possible ».
Le syndicat-ODG aurait notamment pour mission d’élaborer le futur cahier des charges et d’assurer la liaison avec l’INAO. L’institut n’a pas encore tranché pour savoir quel site, de Nantes ou d’Angers, allait prendre en charge le « dossier breton ». Car il n’y a pas d’antenne INAO en Bretagne administrative. « Ça fait deux mois que le dossier est en consultation interservices, alors on a décidé d’avancer », précise Maxime Cheneau.
Et ça, ça ne plaît pas du tout à l’Association des Vignerons Bretons (AVB), qui réunit 80 % des producteurs nouvellement installés dans le Morbihan, les Côtes d’Armor, le Finistère ou l’Ile et Vilaine. Pour le coprésident Julien Lefèvre, vigneron à Merléac (22), le groupe mené par Maxime Chéneau, « cinq ou six personnes tout au plus », « manque de légitimité » pour porter un tel projet. La personnalité de Maxime Chéneau « ne fait pas consensus » dans leur association, et « le projet viticole qu’il défend » serait aux antipodes de celui de l’AVB, engagée autour de l’interdiction des pesticides de synthèse, ou des vendanges manuelles, notamment. Leur association envisage aussi une IGP Bretagne, mais pas tout de suite, « on doit d’abord monter une filière ». Bref : aucune synergie n’est envisagée.


Au pays du Muscadet, le projet d’IGP Bretagne semble aussi très minoritaire. La fédération des Vins de Nantes a noué contact avec l’AVB, et « n’est pas du tout hostile à une IGP Bretagne. Mais pour les vins bretons, pas pour nous. Nous, on dit qu’on est le plus Breton des vins de Loire, ou le plus Ligérien des vins bretons, s’amuse François Robin (pourtant pas Normand), délégué à la communication de la Fédé, qui se tient à bonne distance du projet de syndicat des Vignerons bretons de Maxime Cheneau. On considère qu’une identité peut être multiple. » Le directeur rappelle aussi qu’il existe une dénomination « Marches de Bretagne » pour l’IGP Val de Loire, pour ceux du pays nantais qui souhaiteraient afficher cette identité.
Correctif du 26 février : une coquille "IGP Vins de Loire" a été corrigée en "IGP Val de Loire". La fonction de François Robin était erronée (directeur de la Fédé) et a été corrigée.