ans le chai encore en travaux de Loïc et Marina Fourure, tout est neuf. Pressoir, cuves en inox, la pompe et même les « vendangettes » : tout sert pour la première fois en ce mois de septembre 2023. Pour le domaine La Vigne et l’Abeille, à Theix Noyalo, dans le golfe du Morbihan, c’est l’année zéro. Les 5 hectares plantés en avril 2021 avec du chardonnay, chenin, savagnin, pinot noir, sont prêts pour la vendange. Famille, voisins et amis sont mobilisés, tous ravis de découvrir à domicile l’ambiance des vendanges.
« Mon objectif pour cette première année, c’est de bien prendre en main le matériel, explique Loïc, un poil stressé. L’année prochaine, je me concentrerai sur les terroirs, mais cette année, mon objectif c’est déjà de faire du vin. » Le jeune vigneron, formé en Anjou, a déjà eu la surprise de voir ses chenins et savagnins mûrir bien plus vite que ce qu’il avait anticipé, l’obligeant à battre le rappel de ses troupes de cueilleurs une semaine plus tôt qu’annoncé. Mais qu’importent les rebondissements de dernière minute : après plusieurs années d’attente, le moment de la vendange marque une étape forte dans le parcours de ce couple de néo-vignerons. « Il y a d’abord eu l’émotion forte du jour où on a planté la vigne, en 2021, sur les terres de mon père et de mon grand-père », se souvient Marina. « Maintenant on a du raisin, ça devient tout de suite plus concret. »
A une vingtaine de kilomètres de là, le domaine Rhuys-Dantelezh, à Sarzeau, est lui aussi en ébullition. C’est déjà la « deuxième fois » sur place pour le couple Marie Devigne et Guillaume Hagnier, débarqués de Champagne. Mais une grande première dans le chai architectural construit par la commune, encore en travaux. Autour du moulin et du bâtiment circulaire s’étalent 5 hectares de vignes, bientôt 9. Un projet d’envergure pour la commune, qui vise à remettre au goût du jour l’histoire viticole de la presqu’île de Rhuys.
Dans le Nord Bretagne aussi, ça vendange. Edouard Cazals (domaine des Longues Vignes), étiqueté « premier vigneron breton », est installé sur les coteaux de la Rance, près de Saint-Malo, où il a planté 4 hectares de vignes depuis 2019. Très sollicité, il a décidé de refuser les journalistes pour ce moment très spécial de la vendange, réservé aux proches. Même position chez Julien Lefevre, du côté de Loudéac. « Je veux être tranquille, rester discret… Je ne sais pas ce que ça va donner, après tout. »
Pour les frères Gwenaël et Florent Prigent, à Plouguiel (près de Paimpol), les vendanges (déjà les deuxièmes pour eux) ont démarré dès la fin août, avec les 2/3 de la récolte ramassée, et se poursuivront fin septembre. « Ce qu’on a rentré fin août était déjà à 13° », glisse Gwénaël.
Un rapide sondage montre que la qualité est là, la quantité aussi, pour ce millésime 2023. Aucune inquiétude en tout cas chez les vignerons interrogés quant à la maturité de leurs raisins, ce n’est même pas un sujet. Tous sont de toute façon convaincus depuis longtemps que le climat breton est désormais parfaitement compatible avec la viticulture, s’étonnant même que l’on pose encore la question.
Combien sont-ils, ces nouveaux vignerons ? L’association des vignerons bretons réunit une trentaine de jeunes domaines en Bretagne administrative, « mais il y en a beaucoup plus, éparpillés partout », souligne Julien Lefevre, coprésident de l’association, avec Loïc Fourure. « Au dernier recensement, la DGCCRF de Nantes a fait état de 55 hectares déjà plantés, et 250 autres demandés d’ici trois ans », évoque Loïc. Les premiers vins devraient arriver dans quelques mois. L’histoire du vin breton (re)commence à peine.