i vous avez des problèmes de réduction dans vos vins, le cuivre est peut-être le coupable. En mai dernier, les chercheurs de l’Inrae et de l’Institut Agro Montpellier ont mis en lumière que la présence de cuivre dans les moûts entraînait la production de sulfure d’hydrogène (H2S) par les levures durant la fermentation alcoolique à des concentrations supérieures au seuil de perception. Un phénomène qui s’observe dès la présence de 1 mg/l de cuivre, alors que les moûts en contiennent souvent beaucoup plus. Fait encore plus surprenant : la production d’H2S est d’autant plus importante que les moûts sont sulfités. Pour les chercheurs, c’est la conséquence de l’adaptation des levures au cuivre, un composé toxique pour elles. Alors, le cuivre est-il responsable de goûts de réduit dans les vins ?
Sur le terrain, Amélie Lagasseau, œnologue consultante au laboratoire Enosens, à Grézillac, ne le pense pas. « Avec les pressions de mildiou des dernières années, on utilise de plus en plus de cuivre. Pour le moment, je n’observe pas davantage de problèmes de réduction. Mais quand on a des vins réduits, on ne fait pas le lien avec la teneur en cuivre des moûts », admet-elle.
Pour autant, Amélie Lagasseau ne disculpe pas le cuivre de tout défaut : « Quand on manque d’arômes, et notamment de thiols, dans les blancs, il faut suspecter le cuivre, surtout lors les millésimes secs durant lesquels il n’a pas été lessivé par les pluies. » On sait en effet que le cuivre oxyde les thiols au point de les rendre inodorants.
« Lorsqu’on a fait des traitements au cuivre qui n’ont pas été lessivés, il faut analyser les moûts ; c’est rapide et ça coûte moins de 7 €. On y trouve parfois des concentrations supérieures à 10 mg/l. Dans l’idéal, il faut doser le cuivre avant et après le débourbage pour s’assurer qu’il a bien été éliminé », conseille l’œnologue, qui regrette que ce ne soit pas encore un réflexe pour ses clients.
« Dans les rouges, comme on ne débourbe pas, le cuivre n’est pas éliminé, poursuit Amélie Lagasseau. On a parfois des masques aromatiques. Les arômes ne sont donc pas révélés comme ils devraient. Pour éviter ce phénomène lorsqu’on suspecte la présence de résidus de cuivre, je conseille de débourber les jus de benne au froid pendant 24 heures avec une enzyme pectolytique et une colle végétale. Dès que la cuve est pleine, on peut la saigner pour sortir un maximum de jus, coller ce jus de la même manière et le réincorporer ensuite. On élimine ainsi 80 à 90 % de la quantité de cuivre initiale. On obtient des vins beaucoup plus nets et plus fruités, il n’y a pas photo ! Et cela ne demande pas d’investissement. »
Sa collègue Marie-Laurence Porte, œnologue consultante dans le même laboratoire, soupçonne le cuivre d’être responsable de plusieurs maux ces dernières années. « Depuis trois millésimes, on le dose sur nos parcelles de référence et on s’aperçoit que les concentrations augmentent, assure-t-elle. On est souvent entre 2 et 5 mg/l, mais ça peut monter jusqu’à 15 mg/l ! En 2022, on a connu des problèmes de fermentation alcoolique et des difficultés à finir les sucres. Je pense que le cuivre était en partie responsable. En 2023, j’ai constaté des problèmes de réduction qui ont traîné très longtemps. Dans tous les cas, il reste toujours très peu de cuivre en fin de fermentation alcoolique. Les levures l’éliminent, mais cela peut générer des baisses d’aromatiques. »
De son côté, Stéphane Becquet, directeur du Syndicat des Vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine, estime qu’il n’y a pas de réduction liée au cuivre. « Il faut faire la part des choses entre la recherche fondamentale et ce qui se passe sur le terrain, temporise-t-il. Pour moi, les défauts de réduction ne sont pas un problème majeur et il est difficile de savoir s’ils sont liés à la présence de cuivre dans les moûts. Même chose pour le masque aromatique. À chaque fois qu’on a de la réduction, on l’a éliminée à l’aération, même les années à forte pression de mildiou. »
L’an dernier, Marie-Laurence Porte a testé la bioprotection pour éliminer le cuivre d’un moût de sauvignon. « Pendant la fermentation, les Saccharomyces cerevisiae éliminent du cuivre. On ne sait pas exactement comment. Alors, j’ai voulu savoir s’il en était de même avec des levures de bioprotection », explique cette Å“nologue du laboratoire Enosens, à Grézillac, en Gironde. Pour son essai, elle a utilisé Calypso, une Metschnikowia pulcherrima commercialisée par IOC. En sortie de pressoir, elle a ajouté 20 g/hl de cette souche à un moût de sauvignon qui contenait 2,4 mg/l de cuivre. Au bout de 48 heures de débourbage, la teneur en cuivre de ce moût est tombée à 0,4 mg/l, alors que le témoin débourbé sans bioprotection en contenait encore 2,1 mg/l. Des résultats encourageants qui incitent l’Å“nologue à renouveler ses essais cette année sur des moûts de rouge.